Elle est directrice de l’école des enfants déficients auditifs (Esada) à Yaoundé.
Par Nadine Ndjomo
Aurelie Francine Eyi Angue se rêvait professeur de lycée de l’enseignement général (Pleg) en biologie, mais elle est devenue enseignante spécialisée pour la prise en charge, le suivi des enfants déficients auditifs. Née à Megama, un village situé dans l’arrondissement d’Ambam, département de la vallée du Ntem, dans la région du Sud Cameroun, c’est par hasard qu’elle a fait la rencontre des déficients auditifs et qu’elle est tombée amoureuse du langage des signes. « J’étais étudiante en biologie végétale à l’université de Yaoundé I. Et un jour, une amie m’a demandé de l’accompagner rencontrer sa mère. J’ai accepté. Et une fois sur les lieux, j’ai remarqué que des enfants faisaient des signes avec des doigts et parfois avec la tête. Je ne comprenais pas. C’était la première fois que je voyais cela. J’étais émue. C’est après mon passage là-bas, que j’ai décidé de changer de trajectoire », raconte cette ancienne élève du collège les Pharaons, à Yaoundé.
Décidée à réaliser son «nouveau » rêve, Aurelie Francine Eyi Angue quitte l’université de Yaoundé I et s’inscrit à l’école spécialisée pour enfants déficients auditifs (Esada). Dans cette école créée en 1972, et reconnue d’utilité publique en 1983 par l’Etat Camerounais, elle y passe trois ans pour se faire former et débourse 1,5 million FCfa, comme frais d’écolage. A Yaoundé, l’Esada est situé le centre Pasteur. Là-bas, elle a d’abord appris, la démutisation (lire sur les lèvres d’une autre personne qui parle) la pédagogie pour instituteur, la physiologie avec les oto-rhino-laryngologies (ORL), les signes avec les orthophonistes, la détection et la maitrise des gestes particuliers avec les psychiatres, l’écoute, avec les psychologues. A l’issue de la formation, la jeune diplômée est recrutée à l’Esada.
Devenue directrice de l’Esada depuis trois ans, la facilitatrice, fait partie de ceux qui promeuvent l’inclusion dans le système éducatif Camerounais. « Depuis quelques années, le ministère de l’Education de base fait des efforts pour prendre en compte la particularité des enfants déficients auditifs. Mais ce n’est pas encore le cas au niveau des enseignements secondaires. Une fois que nos enfants obtiennent leur Cep, ils sont inscrits dans les lycées, mais une fois là-bas, ils sont abandonnés à eux-mêmes. La pédagogie, les manuels scolaires, le matériel didactique, les évaluations, ne prennent pas en compte leur particularité », regrette-t-elle.
Et pourtant, s’ils étaient mieux suivis, s’il y avait assez de structures adaptées, pour leur prise en charge ; les difficultés à surmonter seraient moindres. Car au chapelet des difficultés, on peut égrener la guidance parentale (redonner confiance aux parents dont les enfants souffrent d’un handicap auditif), la sociabilité (l’intégration de ces derniers une fois qu’ils sont sortis du circuit de l’école et envisagent de rentrer dans le monde professionnel pour espérer avoir une indépendance financière), le coût de la formation, qui n’est pas à la portée de tous.
A l’Esada, les frais d’inscription pour un enfant auditif s’élèvent à 191 mille FCfa pour le niveau un (de la maternelle au cours élémentaire un) et 195 mille FCfa pour le niveau deux (du cours élémentaire deux au cours moyen deux). Au cours de l’année scolaire 2020/2021, cet établissement a enregistré 173 élèves. En 2019/2020, ils étaient 170. De 2019 à 2021, une quinzaine d’enfants auditifs a obtenu le baccalauréat. Mère de deux enfants, le rêve de Francine est de voir cette école vieille d’une quarantaine d’années bondée d’élèves, d’enseignants, à l’effet de redonner le sourire aux parents dont les enfants souffrent de ce mal.