expert international en TIC pour l’éducation.
Interview réalisée par Nadine Ndjomo
Vous avez récemment commis un ouvrage chez Harmattan. Il est intitulé : « cours en ligne : guide méthodologique de réalisation, le cas des cours en lignes ouverts et massifs (Clom et Mooc) ». Que voulez-vous démontrer dans ce livre ?
Dans l’ouvrage paru en septembre 2020, nous évoquons de manière générale les formations à distance, ce qu’il en est, leur genèse et ce qu’elles exigent pour être mises en place. La technologie évolue et impose avec des adaptations dans la manière de dispenser des enseignements à distance, et spécifiquement en ligne, par l’usage des TIC. Réaliser un cours en ligne nécessite certains prérequis et prédispositions, mais surtout de suivre une approche méthodologique bien définie. Cet ouvrage permet donc de mieux édifier le grand public sur les formations en ligne ; et pour ceux-là qui souhaitent se lancer dans leur mise en œuvre, d’avoir la démarche pédagogique adéquate. Nous avons également mis l’accent sur un glossaire des termes courants du numérique éducatif, afin de fixer les esprits sur les concepts clés.
Quels sont les cours qu’on retrouve dans la massive open online courses (Mooc) au Cameroun ?
Le Cameroun, comme plusieurs autres pays de l’Afrique subsaharienne, se lance à peine dans la production des Mooc. Rappelons que les Mooc (Massive Open On-line Courses) ou Clom (Cours en ligne ouverts et massifs) sont une forme évoluée des formations ouvertes et à distance, qui donne plus d’autonomie aux apprenants et peuvent être suivi par des milliers de personne en même temps. Ils portent sur un domaine précis et sont dispensés entièrement en ligne via les outils TIC, durant quelques semaines (en moyenne 6). Plusieurs actions menées en relation avec la coopération internationale spécifiquement, ont porté des fruits et des premiers cours en ligne de type Mooc existent. Nous pouvons citer à titre d’illustration, le projet Reamooc (Réseau Africain de développement des Mooc pour l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur), qui implique trois universités camerounaises, trois universités sénégalaises, l’Agence universitaire de la Francophonie et plusieurs partenaires du Nord, coordonné par l’Université libre de Bruxelles (ULB), dans lequel nous avons l’honneur d’être impliqué. Ce projet vise à accompagner ces universités pilotes dans la production de Mooc. Les premiers Mooc seront bientôt en ligne.
Quelles sont les universités camerounaises concernées par le projet Reamooc ?
Au Cameroun, les universités impliquées sont l’université de Douala, l’université de Ngaoundéré et l’université de Yaoundé I. Et au Sénégal, il s’agit de l’université virtuelle du Sénégal, l’université Gaston Berger et l’université Cheik Anta Diop. Elles sont choisies comme universités pilotes.
Sa mise en ligne se fera avant la fin de cette année ?
La mise en ligne des cours se fera avant la fin du projet, prévu en octobre 2021. Une fois le projet lancé, sera-t-il ouvert à tous les étudiants camerounais ou ceux inscrits dans les universités d’Etat uniquement ?
Les cours seront ouverts à toute personne désireuse de se former. Par contre, les étudiants de ces universités, si toutes les conditions sont réunies, pourront faire valoir les crédits de ces cours dans leur cursus.
Le Reamooc prend-il en compte la qualité du réseau internet qui fait très souvent des caprices et ne permet pas toujours de réaliser certains travaux ?
La qualité du réseau reste un problème qui ne saurait avoir une solution définitive, en l’état des choses. Une étude préalable du dispositif technologique dans ces universités a été menée en 2017, en tout début du projet. Il en est ressorti que ces institutions africaines impliquées dans le projet regorgent du minimum pour le déploiement des Mooc.
Y-a-t-il des conditions à remplir pour les suivre ?
Pour suivre un cours en ligne de type Mooc, il faut bien-sûr un minimum à remplir. Bien choisir le cours qui sied à notre besoin de renforcement de capacités, avoir les prérequis exigés et disposer d’un accès Internet de bonne qualité et si possible permanent, car les activités à mener sont généralement nombreuses sur le temps de déroulement du cours.
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Quel est le lien qui existe entre l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et le Mooc ?
L’Agence universitaire de la francophonie (AUF), comme pour les formations ouvertes et à distance (Foad), depuis plus d’une dizaine d’années, fait aujourd’hui la promotion des Mooc, ceci en encourageant des personnes à les suivre et en accompagnant les Institutions universitaires qui souhaitent les mettre en place.
Le Mooc est né aux Etats-Unis, il a pris de l’ampleur en France, mais en Afrique, on a l’impression qu’il peine à atteindre sa vitesse de croisière. Qu’est ce qui peut en être la cause ?
Comme dans plusieurs domaines, en Afrique, spécifiquement subsaharienne, nous traînons les pas. Mais les bras ne sont pas entièrement croisés à observer. Malgré les nombreuses difficultés qui nous sont propres et je dirai même inhérentes, des efforts considérables sont menés en vue de sortir la tête de l’eau. Mais reconnaissons-le, beaucoup reste à faire.
Peut-on mettre au même pied d’égalité les cours de France université numérique (FUN), l’Openclassrooms, l’enseignement à distance classique, des cours mis en ligne et des tutoriels, les Mooc ?
Les deux premiers sont des prestataires qui offrent des plateformes de mise en ligne des cours, spécifiquement les Mooc. L’enseignement à distance peut ne pas faire intervenir les TIC, mais quand même difficile dans notre contexte aujourd’hui. Les tutoriels sont des ressources complémentaires qui viennent renforcer les activités pédagogiques, autant en enseignement qu’en apprentissage. Les Mooc sont, comme nous l’avons dit plus haut, des cours en ligne ouverts en quelques semaines, à un public qui s’évalue en millier de participants. Donc nous ne pouvons pas valablement les comparer, puisqu’ils sont des concepts totalement différents.
Le Mooc offre une attestation, ou un diplôme à l’issue de la formation ? Ces attestations, font-elles foi ?
Le Mooc ayant vocation à se tenir en quelques semaines, ne saurait être diplômant. Il donne droit à une attestation de suivi, qui est automatique si l’apprenant va jusqu’au terme du cours en ligne. Cette attestation de suivi est généralement délivrée gratuitement. Par contre, pour bénéficier d’un certificat, il faut que vous soyez dans des conditions classiques d’examens, dans un centre agréé ; ou alors disposant du nécessaire technologique pour être authentifié et surveillé pendant l’examen. Les attestations font foi et peuvent être valorisés en milieu professionnel. Le challenge actuellement dans nos Universités est que les MOOC donnent droit à la validation de crédits dans les cursus des étudiants.
Avec le Mooc, peut-on réduire le taux des « diplômés chômeurs » au Cameroun ?
Je dirai oui, dans la mesure où les Mooc permettent le renforcement de capacités dans un domaine précis, et donne droit à des compétences nouvelles qui peuvent être valorisées en milieux professionnels.
Les diplômes obtenus en ligne lors des cours classiques, ont-ils la même valeur que ceux obtenus en présentiel ?
En termes de diplômes et d’attestations délivrés par des institutions universitaires reconnues, oui. Mais sachez que tout diplôme étranger doit passer par une commission d’équivalence afin d’être pris en compte dans votre pays.
La question de la cherté se pose pour le suivi des cours en ligne. On en parle en termes de millions FCfa. Qu’est ce qui peut justifier ces coûts exorbitants ?
La mise en place de cours en ligne nécessite auprès des universités qui les offre, des dispositifs technologiques importants, un renforcement des capacités des enseignants dans le domaine des TIC pour l’éducation, leur disponibilité permanente et l’implication de plusieurs autres acteurs (tuteurs, techniciens…). Tout ceci peut justifier ces coûts.
Quels sont les avantages à suivre les cours en ligne ?
Les avantages sont indéniablement nombreux. En premier, je dirai ceux de pouvoir se former tout au long de la vie, et en tout lieu. Avoir accès à des programmes des universités prestigieuses. Se former en continuant ses activités professionnelles et en restant près des siens. Optimiser son usage des TIC.