Facultatif l’année dernière, chaque élève doit désormais débourser 2.000 FCfa pour l’entretien des toilettes de son établissement scolaire.
Par Nadine Ndjomo
C’est une pilule qui passe mal chez les enseignants et surtout les parents, en cette veille de rentrée scolaire. Débourser la somme de 2.000 FCfa par élève, pour l’entretien des toilettes dans leurs établissements scolaires. « Nous avons pris connaissance de la circulaire du ministre des Enseignements secondaires qui instruits les chefs d’établissements, et par ricochet, les parents de payer 2000 FCfa pour l’entretien des toilettes. Nous ne sommes pas d’accord avec cette mesure. L’an dernier, cette initiative était facultative, et cette année, elle est obligatoire. Nous ne sommes pas d’accord avec cela. Dans quel compte ira cet argent ? D’où viendront ces 2000 FCfa », s’indigne Marie Thérèse Baidadi, parent d’élèves. Les questions des parents fusent, et les enseignants quant à eux, se terrent dans un silence assourdissant.
Tous se réfèrent à la lettre circulaire N°15/20 à polémique. Datée du 20 novembre 2020, elle a pour « objet », l’implémentation du concept « clean school » dans son volet assainissement de l’environnement scolaire et propreté des lieux d’aisance. « Je vous instruis de faire un état des lieux des toilettes et des points d’adductions d’eau, de vous faire accompagner par les professionnels de l’hygiène, de la salubrité et de l’assainissement, d’assurer la propreté en permanence avec la contribution des parents et des chefs d’établissements, nécessité de prodiguer des conseils aux jeunes filles sur la nécessité de prendre soin de leur hygiène corporelle, sensibiliser les élèves contre les violences sexuelles, la consommation de la drogue et les jeux de hasard, construire des toilettes et des points d’eaux à distance des salles de classe, respecter le ratio minimal élèves/toilettes de la manière suivante : pour un effectif de 1à 2000 élèves, deux toilettes ; pour un effectif de 201 à 400 élèves, quatre toilettes ; pour un effectif de 401 à 600 élèves, six toilettes ; pour un effectif de 600 à 701, huit toilettes », peut-on lire dans la circulaire du Pr Nalova Lyonga, ministre des Enseignements secondaires.
Sont concernés au premier chef par ladite circulaire, les délégués régionaux, départementaux, les secrétaires de l’enseignement catholique (Seduc), chefs des établissements scolaires publics, privés. « Chacun en ce qui le concerne, sont chargés de la stricte application des termes de la présente circulaire », conclut la ministre dans la circulaire N°15/20.
Sauf que le 21 août dernier, une lettre du délégué régional des Enseignements secondaires du Nord, adressée aux Seduc, délégués départementaux, chefs d’établissements des établissements scolaires publics et privés ; remet au goût du jour cette amertume et sonne surtout comme « un rappel mémoire » aux différentes cibles. « On croyait que cette affaire passée. Avec la lettre du délégué, on se rend compte que ce n’est malheureusement pas le cas. Dans certains établissements, les frais d’Apee vont augmenter. En zones rurales, ce sera très difficile d’exécuter cette décision. Car, les parents à qui on demande de payer 10.000 FCfa comme frais d’Apee, ne parviennent même pas à le faire. Et si on leur demande de débourser 2.000 FCfa de plus, ce sera difficile voire impossible », explique un proviseur de la région du Nord.
Et comme les parents, les enseignants ne souscrivent pas à cette décision. Mais par peur de représailles, licenciements, affectations disciplinaires, « nous allons appliquer cette décision », déclare un autre proviseur, dont un ami, lui aussi proviseur, a versé les « fameux 2000 FCfa l’année dernière ».
Malgré cela, aucun service n’a été rendu. » Aucune toilette n’a été lavée« , apprend-on. Or, ils sont certes une poignée de chefs d’établissements à avoir signé ce contrat intitulé Mémorandum d’entente entre (le nom de l’établissement) et l’association camerounaise d’aide à l’hygiène et insertion des jeunes dans les collectivités relatif à la réhabilitation et l’entretien des toilettes au quotidien, dans le cadre du programme clean school ; représentée par Flore Yvonne Chonga Belema. Cette association a eu l’autorisation N°2376/19/Minesec/CAB, Note 468/20/L/Minesec/Seesen/CAB avril 2020.
Prenons le nombre d’élèves scolarisés au Cameroun en 2009/2010, qui s’élevait à 1.390.747 d’après la carte scolaire du Minesec, en le multipliant par 2000 FCfa, « ce sont des centaines de millions FCfa », fait remarquer un proviseur de l’Extrême-Nord. Dans cette région, encline à presque tous les maux, « nous avons des problèmes de salles de classe. Rares sont les établissements qui ont des toilettes. Et que fera-t-on de ces établissements qui n’ont pas de toilettes ? », S’interrogent les proviseurs !
Une question que ne se pose pas Ousmane, homme d’affaires, qui trouve l’initiative bonne et abordable, les 2000 FCfa exigés aux parents.