censeur au lycée bilingue de Maroua-Domaya.
Interview réalisée par Nadine Ndjomo
Le roman « Munyal », les impatientes de Djailli Amal, a été retenu par le conseil national pour le manuel scolaire et didactique du Cameroun, en littérature. Quelle analyse faites-vous sur ce choix ?
Pour ma part, je pense que c’est une reconnaissance nationale que le Cameroun fait à l’auteur Djaïli Amal qui a glané plusieurs lauriers à travers le monde avec ce roman «Munyal » « les larmes de la patience ou encore les impatientes ». A mon avis, c’est aussi une manière de valoriser la littérature camerounaise au Cameroun, parce que les auteurs étrangers ont toujours occupé une place importante du manuel scolaire au Cameroun. Ce choix peut également être considéré comme une sorte d’encouragement pour les auteurs féminins ; pour qu’elles puissent vraiment s’impliquer dans l’écriture.
Dans les impatientes, on parle de polygamie, du mariage forcé, des difficultés du foyer. Qu’est-ce que ces sujets peuvent apporter à l’intellect d’un adolescent ?
La polygamie, le mariage forcé et les difficultés dans le foyer sont des situations assez complexes où il est presque impossible de s’épanouir. Et donc, de libérer son potentiel. Un potentiel quelconque. Ces situations ne sont pas en faveur des apprenants surtout de la jeune fille parce que tout retombe sur elle. Le plus souvent, quand la mère n’est pas là, c’est la jeune fille qui va plus souffrir. C’est à elle, que vont incomber toutes les tâches de la maison. Si on inscrit une œuvre qui parle de ces situations, de ces problèmes, au secondaire, c’est pour que les enfants y tirent des profits. Mieux encore qu’ils tirent des conséquences de ces pratiques, qu’ils soient conscients et qu’ils puissent éviter au maximum ces pratiques autour d’eux. Dit-on souvent c’est l’enfant qui fait l’homme. Et donc, si la société d’aujourd’hui n’est pas comme elle devrait être, peut-être en parlant à l’enfant, elle sera différente.
Peut-on comparer l’ouvrage de Djailli Amal à un autre, quel est le plus, qu’il va apporter à la littérature camerounaise ?
«Munyal » peut-être comparé à « une si longue lettre » de Mariama Bâ dans la mesure où il traite du sort qu’on réserve à la femme dans la culture des sociétés sahéliennes. Dans le Sahel, généralement c’est la polygamie qui prévaut. Connaissant les problèmes que ce fléau engendre, je me dis que « Munyal » peut se rapprocher de cette œuvre de la sénégalaise Mariam Bâ. Quant à son apport pour la littérature camerounaise, je dirais que comme toute œuvre littéraire, il apporte un flux en pensée et en beauté à la littérature camerounaise. « Munyal » est raconté avec des mots simples, beaux, mais émouvants. Il parle des faits que nous vivons dans notre quotidien.
Peut-on comparer les œuvres littéraires écrites d’aujourd’hui et celles écrites, il y a 20 ans?
Les œuvres d’il y a 20 ou 30 ans ont traité des problèmes que l’on rencontre dans notre quotidien et comme tous les thèmes, il y en a qui reste encore d’actualité. Les thèmes qui touchent au bien être des hommes sont toujours d’actualité. On peut citer quelques œuvres comme : « trois prétendant un mari ». Aujourd’hui encore la thématique du mariage est toujours présente dans les œuvres. C’est le cas d’ailleurs de « Munyal ». Dans « ville cruelle », on parlait de corruption, aujourd’hui plus que jamais, ce fléau est resté présent dans notre société. Je ne me souviens pas que Munyal soulève également le problème de la corruption dans ses pages. Mais toujours est-il qu’il y a beaucoup d’auteurs qui parlent de la corruption de nos jours, aussi. Et donc chaque littérature est fille de son époque et comme souvent les problèmes sont presque les mêmes, Tant qu’il n’y a pas eu de solutions, il y aura toujours ces problèmes-là. Le lien de comparaison que nous pouvons établir entre la littérature d’hier et celle pratiquée de nos jours, est qu’au regard de la beauté, je crois qu’il y a une légère différence car la manière d’écrire change selon les temps. Il y a des canons pour l’écriture livresque. Mais, aujourd’hui, en poésie par exemple, ces règles sont révolues. Je ne dis pas que la poésie classique n’existe pas ; mais elle n’existe plus beaucoup comme à l’époque. Aujourd’hui nous avons le vers libre par exemple, c’est pareil avec le roman et le théâtre. Il y a la façon d’écrire qui change mais ce qui importe c’est le message. C’est aussi la beauté mais la beauté on a souvent dit que la beauté est relative. Je crois qu’il y a de belles œuvres aujourd’hui tout comme autrefois, il y a de bons auteurs maintenant et ils en avaient aussi hier, malgré le fait que nous, nous sommes un peu laissés à la facilité ce qui détériore naturellement la qualité des œuvres que nous avons souvent sous la main. Cela n’empêche qu’il y a de belles œuvres qui existent et de bons auteurs également ; mais qui ne sont pas connus. Tout simplement parce que la politique de promotion n’est pas toujours bonne.
Qu’est-ce que la littérature apporte à l’élève pour sa formation ?
L’importance de la littérature n’est plus à démontrer dans la société. Car, la littérature déjà c’est la culture. L’apprenant conforme doit pouvoir pérenniser la culture. Pour se faire il faut qu’il acquière cette culture non seulement pour sa vie professionnelle, mais aussi pour sa vie en société. La littérature permet donc à l’apprenant de comprendre le milieu dans lequel il est appelé à vivre, de comprendre le milieu dans lequel il vit et de participer pleinement à la vie de son époque. Elle permet en quelque sorte de former la personnalité de l’apprenant afin qu’il puisse exprimer sa culture et de comprendre aussi celle des autres parce que ce n’est pas que sa culture qui est révélée dans les productions littéraires. Il y a ce besoin de comprendre la culture de l’autre ce qui pourra servir à promouvoir et cultiver la tolérance au sein de nos sociétés. Car, dans chaque œuvre, il y a une portée sociale. Et dans une valeur esthétique et les œuvres littéraires se devraient donc de porter cette valeur-là. De par leur richesse linguistique et leur beauté, permettre aux apprenants de tirer à la fois du plaisir et du profit pour susciter chez eux, un goût durable pour la lecture et par conséquent de l’amour pour la culture. Dit-on souvent la culture devrait être tout ce qui nous reste, quand on a tout perdu.