doyen de la FSE de l’université de Ngaoundéré.
Propos recueillis par Bertrand Ayissi
Dans l’imagerie populaire, être titulaire d’un doctorat, c’est être un enseignant et donc, avoir de bonnes prédispositions à transmettre la connaissance ?
Le fait est que lorsque l’on est titulaire d’un doctorat Phd, en réalité, on maîtrise la recherche dans un domaine bien précis. Et la recherche, que je sache, n’est pas synonyme d’enseignement. La recherche est une activité qui consiste à détecter un problème, à émettre des hypothèses, à les vérifier assortis des paradigmes de la résolution d’une situation par rapport à un contexte donné. L’enseignement, c’est tout autre chose ; c’est un métier, une profession. Et notre faculté des sciences de l’éducation a pour objectif la formation des formateurs dans tous les domaines. Il existe bien des écoles qui forment des enseignants du secondaire et de l’Education de base, mais il n’existe pas d’écoles qui forment les enseignants d’université. Et c’est justement par rapport à cela qu’il est important que les nouvelles générations comprennent que ce n’est pas le doctorat qui confère l’aptitude à l’enseignement. C’est une formation qui confère justement des capacités devant aider les nouveaux venus à avoir les outils pour mieux transmettre leurs connaissances. Nous n’organisons pas le séminaire sur la pédagogie universitaire que cette année, nous le faisons depuis bientôt quatre ans que la faculté des sciences de l’Education a été créée. Nous sommes heureux de constater que l’initiative commence à porter ses fruits parce qu’elle devenue permanente, mais aussi et surtout parce que très prochainement, nous aurons un projet qui portera sur l’implémentation d’un centre d’étude et de recherche en éducation transformative dont l’objectif principal sera de former de manière permanente tous les enseignants d’université qui nous solliciteront bien. Je tiens également à dire que cette formation rentre dans les priorités du ministre de l’Enseignement supérieur qui demande qu’en début de chaque année académique, généralement au mois de novembre, il y ait des séminaires d’imprégnation à la pédagogie universitaire. Ce vrai que ce n’a pas été facile dès le départ, mais au fur et à mesure, c’est une question d’accoutumance, la mayonnaise commence à prendre ; les jeunes enseignants commencent à comprendre que la pédagogie universitaire est vraiment importante pour les aider à mieux entretenir leurs étudiants en salles de cours.
Est-ce que la non-maîtrise de la pédagogie universitaire n’a-t-elle pas un impact sur la qualité de formation des étudiants ?
L’on a longtemps cru que la non-maîtrise de la pédagogie universitaire n’avait pas un impact sur la qualité de la formation. Mais vous vous souvenez à une époque, lorsque nous avions été dans certaines universités étant plus jeunes, on mesurait la performance de l’enseignant au nombre démesuré d’étudiants qui échouaient. On s’est rendu compte que c’était un problème de gestion de la qualité de l’éducation. Vous ne pouvez pas entrer dans une salle de cours de 500 et dire avant de commencer que plus de 300 étudiants vont échouer. Ce n’est pas la bonne démarche, ce n’est pas la bonne méthode. Il faut plutôt amener les apprenants à apprécier l’enseignement que vous faites, il faut connaître ces apprenants sur le plan de leur psychologie en vue de savoir quels outils manipuler, quelle stratégie développer pour que le message puisse passer. C’est cela la pédagogie en fait. Et maintenant, lorsqu’on va parler de didactique, on va s’appesantir sur les éléments de pédagogie certes par rapport à des situations contextuelles liées à des disciplines bien précises. Donc, plus on fera de la pédagogie universitaire, mieux les enseignements se feront dans le sens de la gestion de la qualité.
Quelle attitude doit adopter un enseignant qui est accueilli par des insultes d’étudiants, comme c’est régulièrement le cas, dans une salle de cours ?
Tout cela entre également dans les pratiques pédagogiques. Comme nous l’avons dit, la pédagogie c’est l’ensemble des théories, mais aussi l’ensemble des pratiques. Et en termes de méthodes, nous avons des styles parentaux. Et en matière d’enseignement, on peut avoir des styles autoritaires, des styles démocratiques, des styles compréhensifs, des styles sociaux. Quand un enseignant est en face d’étudiants qui insultent, il peut connaître quel style utiliser. Si l’enseignant utilise le style autoritaire par exemple, les étudiants peuvent continuer à insulter. Plus vous avez tendance à manifester un style démocratique, vous lui donnez l’impression qu’il est libre de penser ce qu’il veut et à un moment donné, plus il va insulter, plus il va se calmer. Et il ne s’agit pas seulement de ceux qui insultent, mais également de ceux qui sont en retard, qui manquent de respect même à leurs propres camarades. Donc, ce sont des stratégies que l’on apprend aux enseignants pour qu’ils puissent savoir comment gérer la salle. La gestion de la salle, c’est une dimension extrêmement importante en matière de pédagogie. Il faut ainsi que l’enseignant ait des connaissances assez développées en psychologie, en management, comment gérer des individus en situation difficile. Il faut également que l’enseignant, dans sa pratique pédagogique, fasse preuve de ce qu’on appelle l’intelligence émotionnelle, c’est-à-dire la capacité de maîtriser ses élans pulsionnels négatifs. Car si l’enseignant n’arrive pas à se maîtriser, et qu’il a en face de lui un étudiant à problème, et bien la salle va exploser.