Elle a été signée par le Pr Georges Ngango, alors ministre de l’Education nationale au Cameroun.
Par Nadine Ndjomo
Dans la semaine du 6 au 10 décembre dernier, la note de service N° 023 signée de Mireille Marie-Laure Owona, proviseur du lycée général Leclerc à Yaoundé, a fait le tour des réseaux sociaux. Un déluge d’insultes de la part des internautes s’est alors déversé sur les enseignants, parce que concernés au premier chef par ledit document, vu qu’il condamne les relations coupables entre ces derniers et leurs élèves. « Il m’a été donné de constater pour le déplorer, que certains enseignants véreux entretiennent des relations coupables avec leurs jeunes élèves filles. A l’heure de la moralisation des comportements, et dans le souci de sauvegarder l’image de marque de l’éducateur dans la nation en général, et en particulier dans notre établissement », peut-on lire dans la note du proviseur du lycée Leclerc. Et de rappeler à ses jeunes collègues que ces pratiques sont « contraire à l’éthique et à la déontologie » et « constituent des fautes lourdes et sont sanctionnées avec une extrême sévérité par les juridictions ». Les personnes allant à l’encontre de sa mise en garde seront présentées au conseil de discipline intérieur.
En parcourant cette mise en garde du proviseur du lycée Leclerc, on dirait comme du déjà lu. Et pour cause, il y a 33 ans, le Pr Georges Ngango, alors ministre de l’Education nationale au Cameroun, signait la circulaire N°28/A/94/MINEDUC/SG/CO/CE le 19 mai 1988, en déplorant déjà cette situation en ces termes : «ces enseignants sont désagréablement surpris lorsqu’ils font l’objet des poursuites répressives intentées par les parents pour enlèvements de mineurs et grossesses. Par inconscience ou par pur naïveté, ils brisent à la fois leur carrière et le rêve de leurs familles et font perdre à l’Etat le bénéfice des sacrifices consentis pour leur formation. »
Considérées comme un fait social, qui date de Mathusalem, les relations intimes entre les enseignants et leurs élèves vont toujours exister. « C’est vrai qu’à l’époque, les gens n’en parlaient pas à haute voix, maintenant c’est le cas. Et les élèves avec qui ces enseignants entretiennent ce genre de relations, sont pour la plupart des adolescentes. Elles ignorent ce qu’elles font. Elles projettent leur désir sur l’enseignant, qui est plus âgé et plus mature qu’elles. Ce sont des crises d’adolescences. Une étude a d’ailleurs montré que les filles qui ont manqué d’affection pendant leur enfance, qui n’ont pas connu leur père, ou de figure paternel, ont tendance à avoir un penchant pour des hommes adultes, qui peuvent avoir l’âge de leur père et parfois plus. Elles voient en eux, cette figure paternelle qu’elles n’ont pas eue. Et recherchent de l’amour. C’est aux adultes de les recadrer», analyse le Dr Georges Mboe, psychologue-enseignant à l’université de Dschang. Et de relever « qu’il est également vrai que certaines de ces relations aboutissent au mariage ; surtout dans le milieu universitaire et pas seulement. On connait des professeurs d’universités qui ont épousé leurs étudiantes et des enseignants et leurs élèves. »
Sans être un fait inédit, « les relations entre enseignants et élèves filles, ne sont pas un fait camerounais. Cela existe partout. C’est un fait social qui est différemment apprécié en fonction des pays. L’éthique et la déontologie peuvent le proscrire, les lois dudit pays également. Mais dans le fond, il est interdit qu’un enseignant fasse la cour à son élève, surtout, si elle est mineure », pense M. Tagbo, sociologue à Abidjan.
Et dans ce cas, d’après Guillaume Atangana, avocat au barreau du Cameroun, les auteurs de telles relations peuvent être poursuivis, étant entendu que l’élève est toujours victime pour :
1- outrage privé à la pudeur, article 295 du code pénal qui punit celui qui, même dans un lieu privé, commet un outrage à la pudeur en présence d’une personne de l’un ou de l’autre sexe non consentante.
2- viol, article 296 qui punit celui qui, à l’aide de violences physiques ou morales, contraint une personne, même pubère, à avoir avec lui des relations sexuelles.
3- mariage subséquent, article 296, qui dit que même mariage subséquent aux faits visés aux articles 295 et 296, n’a pas d’effet sur les poursuites et la condamnation.
L’article 298 aggrave les peines prévues aux articles 295 et 296 si l’auteur si l’auteur est une personne ayant autorité sur la victime, si l’auteur est un fonctionnaire.
4- corruption de la jeunesse, article 334 qui punit celui qui excite, favorise ou facilite la débauche ou la corruption d’une personne mineure de 21 ans. Les peines sont doublées si la victime est âgée de moins de 16 ans.
5- outrage à la pudeur sur une personne mineure de 16. Article 346, les peines sont doublées si l’auteur est l’une des personnes visées à l’article 298 ci-dessus visées. Elles sont de 10 à 15 ans si l’auteur a eu des rapports sexuels même avec le consentement de la victime. L’emprisonnement est à vie s’il y a eu viol et si l’auteur est l’une des personnes visées à l’article 298.
6- outrage à la pudeur sur une personne mineure de 16 à 21 ans. Article 347, les peines prévues aux articles 295, 296 et 347 sont doublées si la victime est une personne mineure de 16 à 21 ans.
Ces cas sont très courants et parviennent très souvent devant les tribunaux. Mais dans bien des cas, les parties s’arrangent au niveau de l’enquête préliminaire.