Le Pr Jean Chermes Sasse rend hommage à l’ancien recteur, décédé il y a quelques jours.
Jai connu le monumental Jean Louis Dongmo à un double en deux qualités. Lorsque j’entre à l’Université de Yaoundé en 1987, il est déjà en office comme Doyen. Je ne sais depuis quel moment il y avait été nommé. Il occupait en inspirant toute l’autorité et la révérence. Pour mémoire, c’était la seule université du Cameroun en ce moment là.
Plus tard, lorsque je suis admis dans le corps de l’enseignant du supérieur, C’est sous les auspices du prof Dongmo que j’ai été recruté Assistant à l’Université ! Nous sommes à l’Université de Ngaoundéré, il est alors doyen de la Falsh, à Ngdré,et le doyen des doyens des universités camerounaises. En cette année là, il totalise onze ans à cette fonction ( de Doyen).
Nommé en mission expresse pour aller lancer la FALSH de la nouvelle Université de Ngaoundére, en 1993, il va y demeurer près de dix ans, avant d’être promu recteur à l’Université de Dschang. A ladite période d’office près de dix ans, j’aurai travaillé sous sa bienveillante direction, et ai bénéficié de sa très riche expérience. La Faculté ressemblait alors à un jeune département ou à une section ! Moins de 10 enseignants, pour tous les trois départements! opérationnels.
Nous commencions à bâtir ensemble cette université,
Nous examinions tous les dossiers, ensemble, Ensemble,
Nous réfléchissions sur les curricula, sur les descriptifs de cours; et les écrivions ensemble. Ensemble aussi, nous montions la revue les Annales de la Falsh, ainsi que la Revue Ngaoundére Anthropos.
C’est fort de sa très haute et longue expertise que les programmes de l’UN ont été les premiers à être validés par la tutelle du Minesup, à l’ère de la réforme post 1993. C’est avec lui que j’apprends sur le tas et les séminaires qu’il nous fait suivre la pédagogie universitaire, et l’ingénierie des programmes universitaires, la gouvernance universitaire. Car avec lui, nous faisions pratiquement tout ensemble! Quelle expérience mémorable! Il était un ingénieur de la pensée de haut vol, un praticien de terrain aguerri; mais qui descendait humblement du haut de sa stature de seul et unique professeur titulaire de l’Université de Ngderé d’antan, pour nous tenir par la main, pour nous apprendre, à apprendre.
C’est grâce au professeur Dongmo que nombre d’entre nous découvrions la mission d’enseignant d’université. Il n’en étalait pas l’exposé comme dans une conférence, il la vivait devant et avec nous.
Un Flash back
Un certain 23 août, j’arrive à l’UN pour prendre service. Après avoir été reçu par le professeur Oumarou Bouba, ( futur Recteur de l’UYI alors DAAC/UN) à sa résidence sise au Campus, je me rends à la résidence du prof Dongmo) à trente cinq mètres de là!
Il accueille en m’ouvrant grand la porte. Et me donne aussitôt un spécimen de la prise de service pour aller saisir ou dactylographier. Il n’y a pas de machine au décanat. Je me dirige vers la ville, à 15km, et fait la dactylo de ma première prise de service, en qualité d’enseignant du supérieur. Compte tenu de la distance à parcourir, ce c’est le lendemain qu’il signe la pièce. Ce même jour, Je participe aux jurys d’examens. Il rassemble les trois départements à la fois fonctionnels de son établissement d’alors. Le dpt de géographie, (le sien); le dpt d’ histoire coordonné par le regretté collègue Nizesete Bienvenu, le dpt de lettres d’expression française, coordonné par M. Isaac Tcheho. C’est ainsi que lui-même a pris son service, nous rappelle-t-il! On lui donna ce jour des feuilles d’examens d’étudiants pour correction, le jour de sa prise de service, nous indique-t-il.
Il partait de cet épisode, souvent pour insister la nécessité de la pédagogie universitaire, laquelle semble faire défaut. A ce sujet, Il nous en donnait les invariants et les fondamentaux à chaque réunion ou au détour d’une conversation. Au pied de ce grand maître en notre commune profession, nous l’entourions comme disciples et modestes apprenants. Avec plaisir, Il travaillait avec nous, paternellement avec nous, et nous donnait des exemples.
C’est lui qui institue les cahiers/ fiches de contrôle des enseignements contresignés par l’enseignant, le délégué d’étudiant et le dpt, pratique.’il disait avoir l’appliquée du tps de son office à lUYI, en qualité de doyen. C’est lui qui exige de chaque enseignant, qu’il doit seul à composer et à suivre le parcours de son épreuve, la saisie, la reproduction, la distribution en salle. Il demandait que chacun en soit totalement responsable. Nous enseignants les photocopions dans la seule machine placée dans son bureau! Il ne touchait point aux épreuves, ni un tiers, sauf exclusivement l’enseignant évaluateur.
Certaines de ses maximes
Il nous disait : le but d’une épreuve n’était pas de mesurer l’ignorance de l’apprenant, mais de tester ce qu’il sait ». car disait-il, « nous sommes tous des ignorants quelque part ». Il nous disait que le meilleur enseignant est celui-là qui amène des étudiants ayant un niveau bas au début d’un enseignement à un niveau passable ou moyen à la fin dudit enseignement. Pour ce faire, il fallait multiplier les exercices. Il exigeait que chaque enseignant domine sa salle par l’observation du calme. Il disait que les étudiants devaient mettre la salle de cours en règle pour la prestation pédagogique ! Exiger que le professeur avait le droit de demander que la propreté des lieux se fasse par ces étudiants avant que l’enseignant ne fasse cours!
Il ne s’opposait jamais aux instructions de ma hiérarchie ! Il demandait de déposer le corrigé, une fois après avoir fini les corrections. Les étudiants pouvaient avoir besoin d’y recourir. Nous affichions les corrigés. Au cas où un étudiant les collègues. La recherche se trouve aux frontières du savoir! Il amenait chaque étudiant au terme de sa soutenance de maîtrise à publier un article. Le support de la revue Anthropos était appropriée à cet effet.
Il exhortait tous « à avoir un bureau à la maison » ! À avoir toujours en chantier un article, un projet de livre
« À converger ses recherches vers un seul et même thème, d’éviter la dispersion
« On peut avoir un même sujet, mais pas une même problématique »
« Un enseignant du supérieur est un pratiquant de profession semi-libéral
Le Doyen Dongmo garantissait la liberté de culte: il disait: « voulez-vous que je m’oppose à son dieu? ».
La réputation du professeur Dongmo était planétaire voire interplanétaire. Ses multiples voyages sur la planète pour dispenser ses connaissances monumentales l’ont hissés dans le répertoire le plus restreint de ce qui font autorité en géographie humaine.
Auteur de l’ouvrage, le dynamisme bamiléké, qui a été diversement interprété à tort par certains, le professeur Dongmo motivait tous les citoyens camerounais de chaque ethnie à apporter le meilleur pour la construction du vaste kaléidoscope national.
Il précisait avec force, qu’au delà de l’apparente diversité, l’unité du Cameroun est plus profonde qu’on ne le pense. Géographe de classe exceptionnelle, Poète, essayiste, administrateur, auteur aux programmes divers pendant de longues années, chercheur multidisciplinaire et multidimensionnel, le professeur J.L Dongmo, est un champion olympique de l’intelligentsia. Il est un lion indomptable de l’Académie camerounaise. Il a formé des millions d’élèves, au travers de ses œuvres, des dizaines de milliers d’étudiants, en salle, des centaines de docteurs, des centaines de professeurs d’universités.
En géographie, il était, le professeur le plus ancien, dans le grade le plus élevé. Il a été le père de tous dans ledit département, le maitre des maîtres, le prof des professeurs. Détenteur se plusieurs distinctions nationales internationales et mondiales, le professeur J.L Dongmo aurait pu inscrire le nom sur les récipiendaires des prix Nobel. Mais, pareille distinction n’existe pas dans sa discipline. Or quoi qu’il en soit, et quelque grand qu’il fût. Il savait se remettre toujours en question; son humilité était légendaire, et tout autant renversante.
Un jour de 1997, je fus bouleversé, de le trouver assis au fond de la salle parmi ses propres étudiants de deuxième année, pour apprendre une nouvelle discipline (les statistiques inférentielle), dispensée par un autre de ses étudiants, chargé de cours. Il était pourtant en poste comme Chef de leur Établissement, de leur dept, et leur professeur.
Un modèle, n’est-ce-pas ! Un exemple à suivre dans l’Académie.