sociologue, il analyse et propose des solutions pour venir à bout des violences en milieu scolaire.
Propos recueillis par Mairama Abdoul Bagui
Qu’est-ce qui explique le phénomène des violences en milieu scolaire, qui va grandissant dans les écoles au Cameroun ?
Elle soulève la grosse problématique de la formation-instruction, de l’éducation et bien plus de la pérennisation de l’être, de la transmission du savoir, du savoir-être, du savoir-vivre et du vivre-solidaire. Partant du contrat social, cela dénote de l’ordre originel des rapports de l’homme à son semblable. Des institutions et des canons de transmission du cachet culturel de peuple, de chaque société ont étaient remplacés en Afrique noire par ce qu’il est convenu d’appeler l’école des blancs ou l’école moderne. Autrefois, les contes, les histoires orales, les légendes, les rites initiatiques formaient et informaient (donner forme) aux apprenants soumis à cette école d’autre époque. La gérontocratie ou gouvernance des vieux, de par leurs âges et expériences, imposait soumission et respect aux plus jeunes. Des modèles de cultures, certes variant d’un groupe à un autre, d’une société à une autre, forgeaient des types d’hommes et de femmes qu’on voulait dans des sociétés selon les attentes du tissu social. Cela se construisait sur des valeurs sociales ou socio-anthropologiques souhaitées. Il était question par exemple, à des époques reculées, mais en même temps récentes, de bâtir des hommes solidaires, courageux, discrets, respectueux des aînés, laborieux, compétitifs, aimant la vie plutôt que la mort. L’ordre était établi sur le respect de la hiérarchie soit des normes gérontocratiques ou alors de la force physique admise finalement par les sociétés d’appartenance. Considérées comme barbares, les institutions académiques africaines ont été rapidement remplacées par l’école occidentale, qui elle-même à ces origines n’étaient forcément pas mauvaises. L’enseignant, détenteur et dépositaire du savoir à transmettre aux plus jeunes était en son temps le référentiel social à reproduire. Autant l’enseigné que le parent qui lui confiait sa progéniture lui accordaient du crédit, considération et respect. L’enfant voulant ainsi devenir comme le Maître. De nos jours, l’évolution dit-on, de la société aidant, avec les droits de l’homme, les pouvoirs de l’argent, ses idéologies et mécanismes économiques, le repère social s’étant déplacé, il devient difficile pour l’enfant de considérer son Maître ou son Professeur. L’un ou l’autre est devenu moins que rien. L’attraction s’étant dirigée vers les activités dites rentables : le football ou le sport, la mafia, le vol, les détournements de biens communs pour les rendre privées. Les acteurs qui incarnent ses activités deviennent les modèles à copier par les enfants qui sont sous l’emprise des médias. L’éducation n’est plus ni l’œuvre des parents, du Maître ou le Professeur, moins encore du Pasteur ou de l’Imam. À côté de ces mécanismes et acteurs sociaux, il faut indiquer que les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, notamment la télévision, le téléphone avec l’utilisation incontrôlée des de l’internet constituant le support d’une culture de domination et d’aliénation de l’homme par l’homme aux effets pervers impulsée d’ailleurs diffuse une école de violence et de tuerie, où l’acteur vedette est le criminel. Les jeunes ayant échappé au contrôle social s’exercent et se livrent à la manœuvre pour devenir comme ces stars des films Hollywoodiens ou des stars de sports constituées et présentées souvent comme au-dessus de la loi commune. Les droits de l’homme en contexte africain se déroulent comme protecteurs du malfaiteur. Car, ils interviennent à posteriori du crime comme pour accorder une immunité au criminel. Le tout dans une matrice de corruption à ciel ouvert. Puisqu’à l’observation, et dans l’imaginaire du commun des mortel, le « bandit » arrêté aujourd’hui et libéré le lendemain et nargue sa victime d’hier. Les lois inspirées « des droits de l’homme » ont pour effets pervers la perte de la régulation et le contrôle social. Du coup, le désordre prend de l’ampleur et se cristallise aux crimes tant en milieu scolaire que dans l’ensemble de la société. Violence et criminalité appellent aujourd’hui à une gouvernance plus rigide et sérieuse.
Quel est l’impact de ce mal sur les jeunes et dans la société?
L’impact est tout évident. C’est la production ou la reproduction d’une société de désordres, de violences et de criminalités. Et comme l’on parle de plus en plus d’une société mondialisée, ces phénomènes essentiellement négatifs et dangereux se mondialisent et couvrent ce gros village planétaire avec ses dards mortifères. Le cas du Cameroun ne constituant qu’une micro-unité.
Que faire pour venir à bout de ce problème ?
Les logiques pour combattre ces phénomènes sont multiples et pluridimensionnelles. En effet, l’État au premier chef se doit de revoir son système éducatif, son système judiciaire et les pratiques relatives aux droits, donc de l’homme, importés tels quels. Il doit contrôler les libertés religieuses afin d’empêcher la création au quotidien des églises aux dieux « mystiquement » révélés. La lutte contre la corruption se doit d’être réelle et sérieuse. Les crimes de tous ordres doivent être considérablement punis. Il faut revaloriser la pédagogie et les pédagogues. Restaurer l’esprit de compétitivité au détriment du gain facile socle de la corruption et des détournements. Les médias doivent être sous contrôle et bien plus l’internet. Les religieux doivent revenir aux pratiques de l’orthodoxie, se détacher du matériel et assurer leur fonction de régulation sociale. La parenté responsable est convoquée. En un mot, comme en mille, c’est tout le corps social qui est convoqué à la barre pour refaire les mécanismes de construction quotidien de notre société, ou tout simplement refaire notre société camerounaise elle-même.