Enseignant vacataire au lycée technique de Mokolo (département du Mayo-Tsanaga, région de l’Extrême-Nord).
Interview réalisée par Nadine Ndjomo
Vous êtes enseignant au lycée technique de Mokolo. Et vous avez un emploi du temps particulier. Racontez-nous.
Je suis enseignant vacataire au lycée technique de Mokolo. Je dispensais 10 matières lorsqu’il n’y avait pas tous les enseignants. Actuellement, je dispense huit matières en salle. Et une, en externe. C’est le travail manuel (TM). Ce qui fait donc un total de neuf matières à ma charge. En plus de cela, je suis également enseignant d’informatique au lycée classique parce qu’il y a manque d’enseignants là-bas. Au lycée technique de Mokolo, j’enseigne l’économie générale, les mathématiques générales, les mathématiques appliquées, le commerce, le marketing, l’entrepreneuriat, la statistique et l’économie d’entreprises, comme matières fondamentales. Je suis par ailleurs, professeur principal dans une salle de classe.
Avez-vous des compétences requises pour dispenser tous ces enseignements ? Quel est votre profil ?
J’ai 27 ans. J’ai obtenu mon baccalauréat en 2014. Après, j’ai eu une licence en économie. J’ai poursuivi mes études en obtenant un Master 2, en Monnaie Banque et finance et en Négociations commerciales et Multilatérales. Après plusieurs tentatives de concours dans les écoles normales qui se sont soldées par des échecs, je suis revenu à Mokolo. J’ai postulé dans des établissements où il y a un manque criard de personnels. J’ai eu des propositions et j’ai accepté. J’ai reçu mon emploi de temps. Et je me suis mis au travail. Avec le chômage, en situation de sous-emploi, je ne pouvais refuser. Je donne le meilleur de moi-même pour que je puisse satisfaire les élèves sur toutes ces matières. Je me sacrifie beaucoup.
Parlant justement du déficit d’enseignants, combien en compte le lycée technique de Mokolo et à combien peut-on évaluer ledit déficit actuellement ?
A ma connaissance, le lycée technique de Mokolo compte environ 80 enseignants. Je n’en suis pas certain. Dans cet effectif, le nombre d’enseignants vacataires est supérieur à ceux qui sont formés. Dans ce lycée, ce sont des vacataires qui tiennent le lycée. Puisque dans certains domaines, il n’y a pas d’enseignants. Certains enseignants ne peuvent pas faire cours au même moment et de départements en départements. Dans d’autres matières encore, il y a diverses disciplines et un seul enseignant, qui est formé dans sa spécialité. Et certains ne peuvent donner une autre matière, que celle pour laquelle il a été formé.
Dans vos multiples matières à dispenser, Tenez-vous des élèves des classes d’examens ? Et comment faites-vous pour vous mettre à jour dans vos notes de préparation de cours ?
Je donne cours dans des classes d’examens. Pour les cours, je me prépare. Je travaille personnellement. Et s’il y a des séminaires de formation, par exemple en entrepreneuriat, j’étais obligé de me déplacer et financer moi-même ma formation en consultant. C’est-à-dire en montage de projet, la création d’entreprise…etc. Je me perfectionne aussi au jour le jour avec des formations en ligne. Comme j’ai fait recherche au supérieur, je n’ai pas intérêt à dormir. Je me donne beaucoup pour me former. Jusqu’aujourd’hui, je continue toujours à me former pour qu’on puisse ressortir quelque chose de qualité de moi. Et même que l’enseignement que j’offre soit de qualité.
Dans combien de classes dispensez-vous des cours? Combien d’heures de cours avez-vous par semaine ?
J’enseigne dans les classes de Terminale STT, Première STT et ESF. En première CG et AK, je donne le cours d’économie d’entreprise. Dans la spécialité CG toujours en première, je donne le cours de mathématiques appliquées. En première CG et ESF, tronc commun, je donne cours de mathématiques générales. En Terminal STT, j’enseigne l’économie générale et en Terminal CMA et AMED, je donne entrepreneuriat. En 4e année GEL/COME, j’enseigne le cours d’entrepreneuriat. Alors qu’en 4e Année Escom, j’enseigne le Commerce. Toutes ces classes sont des classes d’examens. Je donne aussi le cours de marketing en 3ème année ESF, en seconde STT, j’enseigne les cours de commerce, statistiques et économie générale. J’ai 23 heures de cours par semaine depuis le début d’année.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?
Pour préparer les cours, la difficulté que je rencontre se trouve au niveau des programmes. On donne des références bibliographiques pour préparer les cours et quand on va consulter les références, il n’y a pas la documentation. Nombre de matières ont ce problème. Il n’y a pas la documentation. C’est le cas en entrepreneuriat et en économie générale. Les documents disponibles sont obsolètes. Cela constitue une réelle difficulté. Pour préparer ces cours, je passe des nuits blanches. Je dors parfois à 4 h du matin. Je me réveille à 6h. Après il faut me préparer, ranger les cours pour aller à l’école. A 7h 30, je dois être présent au lycée pour rentrer tard. Ce n’est pas facile.
Combien gagnez-vous par mois au lycée technique de Mokolo et au lycée classique ?
Je perçois 35.000 Fcfa de salaire par mois au lycée technique de Mokolo. Au lycée classique, j’ai remplacé juste un enseignant qui a démissionné depuis peu. J’attends toujours la fin du mois pour confirmer.
En nous accordant cette interview, quel est l’objectif recherché ?
A travers cette interview, j’aimerais d’abord montrer à l’État qu’il y a une jeunesse consciente qui peut fournir des efforts pour son épanouissement, l’édification de ce pays. Et quand nous servons le pays ainsi, on se retrouve en train de composer des concours. Ce qui nous expose au problème de vulnérabilité avec la poussée de l’inflation des coûts de transport et la vie chère. On ne pourra survivre avec ce fonctionnement. Au moins si on a un statut qui nous octroie quelques centimes abordables pour qu’on puisse aussi s’épanouir dans la nation comme tous les autres. L’autre objectif est de faire comprendre aux autorités responsables des enseignements secondaires que nombre d’établissements fonctionnent grâce aux enseignants vacataires. La jeunesse est disponible pour servir le Cameroun.
Ne craignez-vous pas de perdre votre poste au lycée ?
C’est un contrat. Je ne peux pas désister. Les faits évoqués sont vérifiables. Nous sommes obligés d’en parler. Au cas où je suis appelé à ne plus enseigner, je vais me retrouver dans d’autres projets tel que la protection de l’environnement, dans l’humanitaire pour encourager l’éducation. Militer dans les associations qui promeuvent la seconde chance pour l’éducation. Je me donne en sacrifice pour la jeunesse. J’ai par exemple un projet environnemental sur la protection de l’environnement. J’ai des projets.
S’il vous plaît puis-je avoir le contact du jeune enseignant ? J’ai eu une proposition à lui faire.