D’après certains enseignants, cette nouvelle méthode est favorable à l’insertion de l’apprenant dans le marché du travail.
par Mairama Damda
Dans les établissements secondaires et primaires du Cameroun, l’approche par les compétences (APC) est la nouvelle démarche pédagogique en vigueur. On est brutalement passé de l’approche par objectifs (APO) à l’APC. Depuis quelques années, les élèves se font évaluer par ce système qui vise à construire l’enseignement sur la base du savoir-faire. L’apprenant est évalué dans le cadre de la réalisation d’un ensemble de tâches complexes. « L’approche par compétence est intervenue à la suite de la fiction qu’on a remarqué entre la formation à l’école et l’opérationnalité des enseignements. L’élève qui a très jeune fini sa formation avait des difficultés pour s’insérer dans le marché du travail c’est pourquoi on a choisi de mettre sur pied l’APC. Cette méthode insiste sur les compétences c’est-à-dire ce que l’élève peut faire au terme de sa formation. Elle met également un accent sur l’acquisition des compétences de l’élève. Disons que l’élève ne vient pas seulement apprendre le savoir. Par exemple, en histoire il apprend le passé mais ce passé doit pouvoir lui être utile pour s’insérer dans son entourage, et pouvoir participer au développement de la société », explique Aliou Mohamadou, inspecteur pédagogique régional de philosophie à l’Extrême-Nord.
En effet, par rapport à l’approche par objectif qui mettait l’accent sur la réflexion relative aux objectifs de formation en vue de déterminer des stratégies et modes d’évaluation correspondants. Certains apprenants pensent que l’APC est mieux que l’ancien système parce que grâce à elle ils ont vu leur programme de cours à la baisse. Elle leur fournit également des compétences directement exploitables dans le monde de l’emploi et plus encore les épreuves sont faciles à traiter. « L’Apc est un système qui est venu alléger le programme de cours. Le minesec a enlevé certaines matières pour en remettre des nouvelles qui sont plus abordables. En effet, l’ancien programme était plus rigoureux mais il était plus facile d’avoir de grande note car ce qu’on donnait à l’évaluation était presque dans le cahier, ce système avait pour but de voir si l’élève était capable de restituer et d’assimiler ses leçons donc si un élèves apprenaient bien ses leçons il s’en sortait sans souci mais tout de même moi je préfère l’approche par les compétences », souligne Abdouraman Hayatou, élève en classe de Terminale au collège excellence plus de Yaoundé.
Bien que facile, pour les apprenants il n’en est pas de même pour les enseignants car selon Aliou Mohamadou, l’Apc fait travailler les enseignants. Ce dernier doit d’abord être suffisamment outillé pour dispenser son cours, on peut dire que l’Apc insiste sur le travail, sur la bonne formation de l’enseignant et le travail qu’il doit faire en amont pour pouvoir simplifier les savoirs et pour inculquer ces savoirs faire et être chez l’apprenant. « En fait, l’enseignant a beaucoup plus de travail. Il doit donc savoir utiliser toutes ces techniques pour pouvoir faire travailler l’apprenant parce que l’Apc insiste sur les méthodes actives. C’est-à-dire que l’apprenant est au centre des apprentissages. L’enseignement doit désormais créer des dispositifs, des conditions permettant à l’apprenant de pouvoir donc apprendre par lui-même », ajoute-t-il.
Mais il reste tout de même meilleur que l’ancien système. Selon Augustin Nyam, enseignant de professeur de français à la retraite, chaque chose à son temps et puis chaque époque a aussi ces avantages et ces inconvénients. Autre fois il fallait se casser la tête pour retenir un certain nombre de choses. Et la méthode actuelle d’évaluation obéit à une logique. Il y a les élèves qui après avoir suivi le cours n’ont plus besoin d’aller apprendre pendant longtemps. « Quand tu as bien suivi le cours, tu peux réagir à l’évaluation et avoir une très bonne note. Je ne pense pas que cette méthode rend les éléments faibles. Si l’élève est conscient de ce qu’il cherche de ce qu’on attend de lui de ce qu’il doit produire comme résultat je pense qu’elle lui permet beaucoup plus d’être opérationnel par la suite », Et de poursuivre « Ils peuvent approfondir des recherches personnelles à partir de ce qu’on leurs apprend dans le cadre des méthodes d’évaluation actuelles parce que les enfants ont beaucoup de choses qu’ils apprennent via internet. Or à notre époque, internet n’existait pas il fallait se contenter des bibliothèques qui n’étaient pas déjà nombreuses. Entre ce qui se faisait avant et ce qui se fait maintenant le mieux pour moi c’est ce qui se fait maintenant », ajoute-t-il.
Les limites de l’Apc
Malgré son avantage pour les enseignants et les apprenants, certains syndicalistes et institutrices pensent que son entrée brusque dans le système éducatif camerounais sans une évaluation préalable cause beaucoup de problèmes. « Les enseignants n’ont pas eu le temps d’être formés. En parlant de ce que moi j’ai connu, c’était les méthodes d’avant qui en réalité ne posait pas beaucoup de problèmes c’est-à-dire que tous les enseignants étaient formés et chacun savaient comment on évaluait pour chaque discipline. Mais avec l’arrivée de l’Apc, la division de l’évaluation est assez complexe. Il faut que les gens repartent à l’école pour apprendre et comprendre comment cela se passe car j’ai l’impression que beaucoup d’enseignants ne se retrouvent pas. Même si les gens disent que c’est une progression, mais aujourd’hui nous avons l’impression que même les pays qui ont créé cette méthode comme le Canada et autres, ne s’en ressortent pas. Peut-être que les résultats n’ont pas été ceux qu’ils attendaient », fulmineTamo Michel, syndicaliste.
A côté du problème de formation, se trouve celui du manque de manuel nécessaire pour l’effectivité de cette méthode « dans la pratique au quotidien, l’approche par compétence pouvait être avantageuse si le matériel notamment les manuels scolaires étaient à notre portée. Parce que dans l’APC, c’est la pratique qui est mise en avant pour qu’à la fin de sa formation, l’apprenant soit à mesure de le reproduire dans la vie active. Mais dans notre cas, il n’y a pas de matériel on continue de faire dans la théorie. Même comme nos supérieurs nous demandent, de dire aux élèves qu’ils viennent avec leur matériel de travail. C’est n’est pas évident, prenons l’exemple d’un cours sur la santé dans lequel on a besoin d’une seringue pour pouvoir travailler. C’est impossible pour un enfant de s’en procurer », raconte Louise Marie Ndoumbeu, institutrice à l’école publique de Nkol Bisson.
Nonobstant le système suit son cours mais espérons que le gouvernement prendra des dispositions pour faciliter le travail des enseignants.