Dans certaines localités, les surveillants les ont reçu par Whatsapp et ont dicté les sujets aux candidats.
C’est un fait qui relève de l’inédit. Et le corps enseignant n’en est pas fier. Car, depuis le début des examens officiels au Cameroun, les scandales naissent et se succèdent. Le dernier en date est celui du probatoire général, qui a commencé le 21 juin dernier. « Depuis que les élèves ont commencé à passer les épreuves écrites du probatoire général, rien ne va. Il y a beaucoup de dysfonctionnements. Les épreuves ont beaucoup de problèmes. Et cela n’est rien à côté des centres et sous-centres qui n’ont pas reçu ou ont reçu partiellement leurs épreuves. C’est difficile pour nous enseignants et surtout pour les candidats», se plaint un enseignant de Maroua.
Mardi le 23 juin par exemple, dans la plupart des centres d’examens de Maroua, la première épreuve a été lancée heure après. « Nous devions commencer à 8h, mais c’est finalement à 9h que l’épreuve a été lancée », déclarait Ismael, candidat. A Maroua, les épreuves sont arrivées à minuit, trente, dans la nuit de dimanche à lundi. Or, la première épreuve devait être lancée à 8h. Dans d’autres centres d’examens, dans le département du Logone et Chari, des épreuves n’ont même pas eu droit à des épreuves. Les sujets ont été dictés aux candidats par leurs surveillants. « Nous n’avions pas le choix. Il fallait bien que les élèves passent l’examen. N’ayant pas les épreuves physiques, nous avons dû trouver d’autres moyens pour qu’ils les aient. Certains collègues ont filmé les épreuves avec leur téléphone et nous les ont envoyées par whatsapp. Nous les avons imprimées, mais c’était illisible. Du coup, il ne restait plus qu’une seule issue, copier au tableau ou les dicter aux élèves », raconte un surveillant.
Des centres d’examen, situés dans les localités telles que Bougha, Tcheré, Waza, Kolofata, Kousseri n’ont pas eu la totalité des épreuves. « Kousseri se trouve à 366 kilomètres de Maroua. Et les premières épreuves du probatoire sont arrivées à Maroua, à 23h. A cette heure-là, il n’y a pas de véhicules qui partent à Kousseri. Et si les épreuves doivent être acheminées dans les différents centres par moto, le conducteur ne pourra pas arriver à tant. C’est impossible », explique un responsable des Enseignements secondaires dans l’Extrême-Nord. Et en sus de cela, ajoute-t-il : « il y a des risques d’enlèvements, d’assassinat. Car, toute cette partie de l’Extrême-Nord, est située dans la zone rouge. Boko Haram sillonent régulièrement ces localités et tuent des gens. C’est donc imprudent et inconséquent d’y envoyer des coursiers de nuit, et seuls. »
Ils sont peu, ces centres d’examens qui ont reçu la totalité des épreuves. « La majorité en a reçu partiellement. Pour 400 candidats par exemple, les enveloppes ne contenaient que 150, maxi 200 épreuves. Et pour que tous les candidats aient une épreuve, nous avons fait des photocopies dans les bureaux de l’établissement. Et l’électricité nous a même fauché chemin, pendant que nous étions en train de les faire », apprend-on des sources à Maroua. Courroucés, les enseignants pointent du doigt, l’office national du baccalauréat du Cameroun (OBC) et le ministère des Enseignements Secondaires, d’être à l’origine de ce dysfonctionnement, qui frise l’amateurisme et l’anarchie. Deux camps se sont formés.
Tandis que certains condamnent l’OBC, d’autres clouent au pilori, le Minesec. « C’est à cause du Minsec que nous sommes dans cette situation. Avec le scandale qu’il y a eu à la suite du baccalauréat, en ce qui concerne notamment les épreuves, qui ont été constituées grâce à l’approche par objectif (APO) au lieu de l’approche par compétences (APC), comme cela se fait depuis quelques années, le Minesec a décidé de proposer d’autres épreuves, qui respectent l’APC. D’où l’arrivée tardive des épreuves dans les centres et les sous-centres d’examens. C’est la raison pour laquelle, les épreuves arrivent à compte goutte », supputent-ils, avant de remettre en cause le professionnalisme de l’OBC. « C’est au niveau de l’OBC que cela a coincé. C’est à cause de cette institution qu’il y a tout ce désordre », pensent-ils. Et pourtant, pour les enseignants qui défendent l’OBC, le tort revient au Minesec. « Les épreuves partent du Minesec pour l’OBC. Si les épreuves sont déposées tard, l’OBC ne peut faire de miracle. Il ne dispache que ce qui est en sa possession. Ce n’est pas à lui de choisir l’épreuve qui doit être usitée. Et si bien même il le fait, ce sera avec l’assentiment du Minesec. L’OBC ne décide de rien. C’est un exécutant. Les décisions viennent du Minesec », motive les défenseurs de l’OBC.
Il est un fait : ce dysfonctionnement comme certains l’appellent, aura des conséquences. Positives ou négatives, elles seront préjudiciables aux élèves. Et surtout pour ceux qui vivent dans zones enclavées, où il n’y a pas d’énergie électrique et que les épreuves n’ont pas été tirées à temps, d’une part et qui ont fini les dernières épreuves dans la nuit. Et à côté de cela, « ne soyons pas surpris qu’il y ait fraude. Les prochains jours nous diront », confie Ahmadou, enseignant.
D’après lui, la solution pour éviter que pareille situation se produisent est de revenir à l’ancien système. « Dans l’ancien système, avant l’arrivée du nouveau ministre des Enseignements secondaires, les centres et les sous-centres recevaient les épreuves cinq à six jours avant le début de l’examen. Et il y avait toutes les épreuves pour tous les candidats. Les épreuves étaient lancées à l’heure. Et il n’y avait pas de problèmes. Il faudrait qu’on revienne à l’ancienne méthode », propose-t-il.
Dans les régions septentrionales, c’est au total 54.273 élèves qui sont candidats au probatoire général cette année. Dans la région de l’Adamaoua, ils sont 8.971 candidats, 16.936 dans la région du Nord et 28.366 candidats dans la région de l’Extrême-Nord. Des chiffres qui sont en hausse par rapport à la session 2019-2020. Ils étaient au total 48.498 élèves à présenter cet examen.