Située dans la commune de Ngaoundéré 3ème au quartier Dang, la cité universitaire, qui jadis faisait l’honneur de cette institution universitaire ; n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les bâtiments de la cité sont dans un état d’insalubrité et d’un délabrement à nulle autre pareille. Nous vous baladons dans les vestiges de ce qui fit aussi la fierté de l’université de Ngaoundéré.
Par Nadine Ndjomo
Il y a plus d’un an, c’est à ceci que ressemblait la cité universitaire de l’université de Ngaoundéré : une cour recouverte d’herbes sèches. Des murs dégarnis. C’est à peine si la couleur de la peinture est reconnaissable. Les cadres des ouvertures, des fenêtres rouillées. Les quelques vitres qui s’y trouvent encore, résistent tant bien que mal au temps. Au rez-de-chaussée, les coins des murs sont recouverts des toiles d’araignée. Sur le sol, une nappe de poussière et des excréments recouvrent les carreaux. Des fils électriques, qui soutenaient les réglettes, caressent quelques murs.
Le bâtiment B, baptisé, immeuble de « l’horreur ». Ici à la cité-U, on déconseille aux nouveaux d’y pointer leur nez. Même certains résidents de la cité ne s’y aventurent pas. Seuls les courageux osent s’y rendre. Réputé pour être le lieu de toutes les dérives, partouzes, séances collectives de shooting, viols, « le bâtiment de l’horreur » héberge malgré tout, quelques étudiants. Du forage grâce au partenariat Turque, on aperçoit leurs rideaux au niveau des fenêtres. Les rares personnes qui accèdent à ce bâtiment, sont contraintes de passer dans l’herbe, qui vient apparemment d’être brûlée. Car l’odeur ocre du calciné embaume l’atmosphère.
Entre les couloirs bitumés, menant de part et d’autre des bâtiments D et C, le sol est jonché d’immondices. Parfois, pour se frayer un passage, il faut esquiver des tas d’ordures et davantage, de l’herbe. C’est le cas pour le bâtiment D. Quant au bâtiment C, le rez-de-chaussée ne paie pas de mine. La rigole est inondée de nombreuses ordures. Un tour derrière l’immeuble, et vite, on rebrousse chemin ! Tant l’insalubrité y a élu domicile, jusqu’à s’enraciner. C’est à se demander, la dernière fois qu’un coup de balai a été passé par là. A l’intérieur de ce bâtiment, au niveau de la réception, les portes vitrées sont recouvertes de crasse. Certaines sont brisées par endroits. Dans certains coins, des meubles détruits, ont été entassés. L’araignée a tissé sa toile dans la cabine téléphonique et aussi sur l’ancien bureau des réceptionnistes. Les marches qui mènent vers les étages supérieurs ne sont pas différentes de la rigole du bas. Et toute cette partie n’est pas électrifiée.
Au deuxième étage, pour les trois pavillons qu’on retrouve dans ce bâtiment, il y a deux toilettes. C’est idem dans tous les autres bâtiments de la cité. Au troisième étage, il n’y a presque pas d’éclairage. Les chambres vides, sont presque toutes défectueuses. Les portes éventrées, les lits cassés. Les vitres brisées. L’eau stagne dans certains couloirs. Au centre de l’immeuble, l’antenne parabolique installée, date de l’époque de Mathusalem. Les herbes poussent entre les fissures des murs. L’état de délabrement dans lequel se trouve l’immeuble inquiète. Sur les 72 chambres qu’on y retrouve, « à peine le quart est occupé », confie un étudiant.
Aujourd’hui, la cité-U se meurt. Aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les 100.000 Fcfa annuel que versent chaque étudiant pour intégrer une chambre ne suffisent apparemment pas pour la réfection de cette cité. Des indiscrétions confient que le dernier coup de pinceau a été passé avant le départ de l’ancien recteur, le Pr Henri Amvam Zollo, en 2017. « A cette époque, seuls trois des quatre bâtiments avaient été réfectionnés. Et depuis, plus rien », apprend-on. Et le bâtiment qui n’a pas reçu de cure de jouvence, c’est le bâtiment de l’horreur, le bâtiment B. La maintenance, n’est non plus assurée. Celui qui s’en occupait au niveau de la cité, a été promu responsable de la maintenance de toute l’université. Et depuis son départ, les étudiants se débrouillent comme ils peuvent.
Le taux d’occupation redresse sans cesse. D’après la direction du centre des œuvres universitaires (Dcou), direction qui s’occupe de la cité au niveau de l’université, au cours de l’année académique 2019-2020, sur les 516 chambres de la cité, seuls 270 ont été occupés. Et pour l’année académique 2020-2021, seule une centaine de chambres étaient occupées.
A la Dcou, la situation préoccupe. Mais, n’étant qu’une direction ou une sous- direction de l’université, elle n’a pas les fonds nécessaires pour redonner vie à la cité-U. Les ordres venant du rectorat, elle doit attendre et faire avec ce qu’elle a.En attendant que le responsable, à qui incombe la réfection de la cité-U ne fasse ce qui doit être fait, les étudiants eux, pataugent dans l’insalubrité.
Et en cette année académique 2021-2022, la situation ne s’est pas améliorée. Au contraire. Le visage qu’offre la cité université de Ngaoundéré, près de 30 ans plus tard n’est guère reluisant. Les bâtiments de la cité U sont en friches. Les sanitaires insalubres. Les volets ont volé en éclats. Certaines portes sont inexistantes. Des pans entiers des bâtiments sont vides. Le silence tutoie l’horreur. Malgré cela, certains étudiants gardent espoir. Mais jusqu’à quand ?