Les enseignements portent de manière générale sur l’Europe, l’impérialisme, la décolonisation, les guerres mondiales…
Par Nadine Ndjomo
Roger O. avait cours d’histoire ce 11 novembre. Sauf qu’il a décidé de le sécher. Le problème : « ces cours plats » ne l’intéressent plus. C’est chaque fois la même chose. Et les rares fois, où il y a un plus, « le plus n’a rien à voir avec le genre d’infos » qu’il souhaite entendre, comprendre si possible et poser des questions au Prof, au cas où il ne pige rien, ou pas grand-chose ! Elève en classe de première, dans un lycée de Yaoundé, il vous aux gémonies son prof d’Histoire-Géo. « Un mois après le début des cours, je lui ai posé une question sur Ruben Um Nyobé. Il m’a demandé de gagner la porte. Je n’ai pas obtempéré. Il a voulu s’en prendre à moi physiquement, c’est à ce moment que je suis sorti de la classe. Mais depuis ce moment, je ne trouve plus intéressant ce qu’il raconte au cours d’histoire. Car dans la réalité, on voit autre chose. Nous voyons et entendons des choses dans les médias et les réseaux sociaux », se plaint l’adolescent. Pour lui, le cours d’histoire dispensé en classe de Première, c’est du déjà entendu, en sus du fait que c’est obsolète, et que « ça ne cadre plus avec la réalité. Et pourtant le monde a évolué ».
Quoique rebelle, l’adolescent a-t-il tort sur toute la ligne ? Que Nenni ! pense un inspecteur pédagogique national (IPN) d’Histoire. « En 3ème, les cours d’histoire qu’on dispense aux élèves parlent de la première et la deuxième guerre mondiale. Des causes, du déroulement, des conséquences. On parle de l’impérialisme, le partage de l’Afrique, la résistance de certains pays Africains, le génocide juif, la crise de 1929, la décolonisation la naissance du tiers-monde, le Cameroun Allemand du 1884-1990, le Cameroun sous-protectorat et sous mandat. En classe de première, les cours d’histoire porte sur l’Europe, son industrialisation, les fondements de l’impérialisme, l’industrialisation de l’Afrique et de l’Asie, l’exploitation des colonies par les européens, le monde en proie aux crises, le règlement des conflits, le Cameroun à la fin du 16ème siècles et au début du 20ème siècle, les mouvements migratoires, la constitution des premières entités politiques, l’arrivée des premiers européens au Cameroun. Et en classe de Tle, le programme d’histoire est axé sur le monde en pleine mutation. On revient sur la deuxième guerre mondiale, l’Europe sous l’influence de la Chine, du vent de l’Est, le Moyen Orient, le golfe persique, le conflit Israelo-arabe, l’émancipation des colonies… », détaille l’IPN d’Histoire avant de reconnaître : « tel que les programmes sont conçus, pensés et arrêtés, ils ne sont pas de nature à mettre l’accent sur l’histoire du Cameroun. C’est fait à dessein.»
RARES
Toutefois, renchérit Aboubakar Abdoulaye, enseignant d’Histoire dans un lycée de Maroua : « il y a des modules dans lesquels on évoque tout de même le Cameroun. On parle de la décolonisation du Cameroun, de l’indépendance du Cameroun. L’objectif du cours est d’inculquer des valeurs aux élèves.» Pour Raymond Kenfack, lui aussi enseignant d’Histoire, le fait d’omettre volontairement l’histoire du Cameroun dans les programmes scolaires, la vraie histoire, ne dispense pas l’enseignant de faire son travail et de bien le faire. « Les enseignants d’histoire doivent se documenter. Ils doivent bouquiner plus les autres. Ils doivent s’abonner dans des librairies, fréquenter les poteaux. Car c’est dans ces lieux qu’on retrouve souvent des livres rares. Et pendant des explications en classe, ils peuvent en profiter pour parler de l’histoire du Cameroun. De ceux qui ont fait le Cameroun, des nationalistes, des ponts, des premiers habitants, des guerres qu’il y a eu au Cameroun, du maquis. Car c’est aussi par là que passe l’éducation de nos enfants. Il faudrait que nos enfants sachent ce qui s’est passé avant l’arrivée de leurs parents et aïeux», pense-t-il.
D’après la liste officielle des manuels scolaires 2021-2022, les ouvrages retenus pour le cours du d’Histoire sont entre autres : Histoire 6ème et 5ème édité par Afredit, Planète Cameroun pour la 4ème et la 3ème édité par Hatier. En classe de 2nd, il n’y a « pas de manuel conforme au nouveau programme ». C’est idem pour les classes de Première et Terminale. Du coup, pour dispenser les cours d’Histoires dans ces deux classes d’examen, les enseignants optent l’option D. Elle consiste à « se débrouiller comme on peut avec des polycops conçus par des inspecteurs nationaux, qui sont en fonctions ou qui viennent de prendre leur retraite », déclare Michelin Mevoungou, enseignant.
Or, la conception des programmes relève de l’inspection générale des enseignements (IGE). C’est sous sa tutelle que les IPN conçoivent et proposent des curricula. Bien sûr avec l’assentiment de certains partenaires tels que le Fonds des nations unies pour l’enfance (Unicef) et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture est une institution (Unesco). « Il arrive que nous proposions des thématiques particulières, sur l’éducation inclusive, la scolarisation de la jeune fille. Et celles-ci doivent être prises en compte, lorsque les curricula sont conçus. Elles doivent figurer dans les manuels qui sont validés par le conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques (Cnamsmd) et les différents ministères en charge de l’éducation maternelle, primaire et secondaire», apprend-on à l’Unicef et l’Unesco.