Ces dispositions du texte voté mardi font polémique, notamment la caution qu’ils devraient verser pour garantir leur éventuel retour dans leur pays d’origine.
Par Lou Roméo/ Le Point/Sukulu
L’enseignement supérieur est vent debout contre certaines dispositions de la loi immigration votée mardi 19 décembre à l’encontre des étudiants étrangers. Celle-ci introduit en effet l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants extraeuropéens, qui avait déjà été fixée par arrêté en 2019, ainsi que des quotas d’autorisations à l’installation en France une fois les études achevées. Il leur est également demandé, pour obtenir un visa, de verser une « caution de retour » à l’État, qui la leur restituera au moment où ils quitteront la France ou lorsqu’ils trouveront un contrat de travail.
Présenté comme une précaution visant à prendre en charge les frais d’expulsion en cas de séjour illégal en France, mais risquant d’occasionner une rupture d’égalité entre étudiants, le montant de cette caution n’a pas encore été déterminé. Élisabeth Borne a évoqué « 10 ou 20 euros » mercredi sur France Inter. Mais, si cette somme peut paraître symbolique, et bien loin du coût d’un billet d’avion, la Première ministre a précisé qu’elle serait définie par un texte réglementaire, ce qui la rend facilement modifiable par l’exécutif. Un gouvernement pourra ainsi en fixer le montant selon sa convenance et son agenda politique, le faisant passer des 10 euros annoncés par Élisabeth Borne à plusieurs milliers s’il veut faire la guerre aux étudiants étrangers.
Élisabeth Borne a ajouté que cette mesure existait déjà en Allemagne. C’est effectivement le cas : les étudiants étrangers doivent y justifier d’un compte bloqué à 11 208 euros par an minimum pour obtenir un visa d’études. Néanmoins, ils peuvent en être exemptés si une personne résidant dans le pays accepte d’être leur garant via une déclaration de prise en charge. Le coût des études est en outre assez faible en Allemagne, de nombreux cursus y étant entièrement gratuits, y compris pour les étrangers.
Des frais d’inscription déjà plus élevés
En France, en revanche, depuis 2019, les étudiants étrangers paient des frais d’inscription aux cursus publics plus élevés – 2 770 euros pour une licence et 3 770 pour un master – que les Français ou les Européens, qui déboursent, eux, 170 et 243 euros. La réglementation actuelle dispose également qu’un étudiant extracommunautaire doit justifier de 615 euros par mois minimum – soit plus de 7 000 euros par an – pour pouvoir prétendre à un visa. Des exceptions existent néanmoins et cette somme n’est pas une « caution » : un courrier bancaire attestant de l’existence de cette somme doit être transmis aux autorités françaises, mais l’argent n’est pas bloqué et l’étudiant peut en disposer à sa guise.
Sylvie Retailleau, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a présenté jeudi sa démission qui a été refusée par Emmanuel Macron. Les présidents d’université ont eux dénoncé une batterie de mesures allant à l’encontre des valeurs d’égalité républicaine et de la tradition d’ouverture de l’université. Ils redoutent une perte d’attractivité de l’enseignement supérieur français dans un contexte de concurrence internationale pour attirer les talents. Dans une tribune au Parisien, les dirigeants de l’Essec, de l’ESCP et de HEC Paris ont ainsi pointé un mécanisme « économiquement et juridiquement aberrant », affirmant que le texte les pousse à « faire une croix sur l’apport de ces talents » alors qu’« une partie de leur formation a été subventionnée par l’État français ». D’ailleurs, ils rappellent que l’objectif du gouvernement est de doubler le nombre d’étudiants internationaux d’ici à 2027, une démarche qu’ils jugent « essentielle pour notre rayonnement académique et notre compétitivité économique internationale ».
L’exécutif en est bien conscient et a commencé à faire marche arrière. Emmanuel Macron a ainsi estimé, mercredi, que l’idée de caution, visant à financer une « mesure d’éloignement » après la fin des études et du titre de séjour, n’était « pas une bonne idée ». Élisabeth Borne a, elle, glissé que cette mesure pourrait être « revue ». La France a accueilli, en 2022-2023, 402 833 étudiants internationaux, le gouvernement s’étant fixé comme objectif d’atteindre le chiffre de 500 000 étudiants étrangers en 2027. Selon Campus France, l’établissement public chargé de promouvoir l’enseignement supérieur tricolore à l’étranger, leur apport net annuel est de 1,3 milliard d’euros.