Avec la grève des enseignants au Cameroun, les lycéens « abandonnés » espèrent avoir des anciens sujets pour réussir cette session 2022.
Par Nadine Ndjomo
Au moment où les enseignants grévistes entament leurs 30 jours de débrayage (21 février-21 mars 2022), les candidats aux examens officiels quant à eux, comptent et s’inquiètent des jours, qui se rapprochent de la date des épreuves écrites de leurs examens. «Avec la situation actuelle, on s’interroge. Les examens approchent à grands pas. Et nous ne recevons toujours pas d’enseignements », s’inquiète Olivier ; élève en classe de Première au lycée bilingue d’Oyack, à Mbalmayo. Pour ne pas perdre de temps, et rattraper le niveau des candidats, élèves dans des collèges privés, ils ont constitué un groupe d’études. « Nous traitons des sujets des anciens probatoires, cela nous préparent à ce qui nous attend. Nous voyons comment les sujets sont formulés. Nous nous renseignons auprès des enseignants disponibles sur la manière de les traiter, de gagner en temps. Pour avoir les corrigés, certains d’entre nous ont des fascicules dans lesquels il y a ces épreuves et aussi, leur corrigé. Ceci, hormis les sujets types examens qu’on retrouve dans ces documents. L’avantage de traiter les anciens sujets est que des sujets identiques ou semblables peuvent revenir cette année. C’est notre souhait», espère Olivier, candidat au probatoire.
Une situation peu probable, à en croire Steve Nang, enseignant, qui a souvent fait partie de la chaine de sélection des épreuves d’examens de fin d’année. D’après lui, « il y a une chance sur 1000 pour qu’un sujet identique revienne au bout de cinq ou six ans après qu’on l’a proposé aux candidats. Tant le processus pour le choix, la sélection des épreuves est complexe. Pour le Bepc et le CAP par exemple, les épreuves sont conçues, composées et sélectionnées au niveau national. Les enseignants et les inspecteurs pédagogiques régionaux et nationaux s’en occupent. Le choix définitif des épreuves qui seront proposées aux candidats revient aux inspecteurs nationaux. Une fois les épreuves sélectionnées au niveau central, celles-ci sont photocopiées par le nombre de candidats, par sous-centre et envoyées dans les dix régions du Cameroun. »
Et contrairement aux examens de l’office du baccalauréat du Cameroun (OBC), « les corrections et les délibérations du Bepc et du CAP sont gérées dans les régions. Or, pour le probatoire et le bac toutes les copiés sont acheminées à l’OBC à Yaoundé. Et elles sont ensuite dispatchées à travers le pays. Les copies de la région du Centre peuvent être corrigées à l’Ouest…Pour le Bepc et le CAP, les notes sous-anonymats sont envoyées dans les services centraux. C’est à eux d’arrêter les admissibilités », explique un enseignant du lycée de Mandama, dans la région du Nord. Il y a quelque année, tout le processus, de la conception des épreuves à la proclamation des résultats, était géré par le service central.
Actuellement, c’est presque encore le cas, pour le probatoire et le baccalauréat. Presque car, le processus de sélection des épreuves définitives aux examens de fin d’année est géré à 80% par le service central des Enseignements secondaires et par l’OBC et à 20% par les enseignants en fonction dans les différents lycées du pays et leurs inspecteurs régionaux. « Au début de chaque année scolaire, nous demandons à certains enseignants capés de proposer des sujets pour constituer les épreuves que nous devons proposer aux inspecteurs nationaux, en vue des examens de fin d’année. Les sujets viennent des départements. Puis, nous les sélectionnons au niveau régional pour les envoyer au service central», déclare David Martin, inspecteur pédagogique de philosophie dans la région du Nord. Dans chaque matière, les inspecteurs pédagogiques proposent deux à trois sujets de différents types. « Pour le cas de la philo, il peut avoir un sujet de dissertation, un sujet de commentaire et une citation », indique David Martin.
Commissions
Une fois les sujets acheminés au service central, des commissions sont formées par des animateurs pédagogiques. On parle de trois à quatre. Ce sont elles qui sont chargées du corbeillage des épreuves. D’après un habitué desdites commissions, animateur pédagogique : « le corbeillage consiste à structurer les différents sujets envoyés par les régions. Les membres s’occupent de la structuration et de la mise en forme des épreuves. Car, la plupart du temps, nous recevons des sujets et non des épreuves en bonne et due. C’est donc à nous de composer les épreuves à base des sujets reçus. Nous les reformulons s’ils sont mal libellés», détaille-t-il.
En plus de la structuration, les commissions « toilettage» sont aussi chargées de mettre de côté les sujets de mauvaises qualités, ou des sujets proposés il y a trois ans et plus, proposer le corrigé des épreuves qu’ils ont conçues et ce, dans toutes les matières. Ce travail est fait sous le regard d’un inspecteur coordonnateur. « C’est lui qui est chargé de transmettre les épreuves sélectionnées, à l’OBC», apprend-on.
A l’OBC, les épreuves « bonnes à utiliser » sont gardées dans des banques d’épreuves. A deux mois des examens, un tirage au sort est fait pour chaque matière et pour chaque examen. Aussi bien pour l’enseignement général que l’enseignement technique. Comme pour le Bepc, les épreuves choisies sont multipliées à « Yaoundé» par le nombre de candidats et par le nombre de sous-centre, scellées dans les paquets et acheminées dans les différentes régions. Pour les épreuves pratiques de l’enseignement technique, « les activités sont connues à l’avance», déclare un enseignant du lycée technique de Ngaoundal, dans le Djérem, région de l’Adamaoua. Pour la filière comptabilité assistée par ordinateur (Cgao) par exemple, au cours de l’année on enseigne aux élèves l’utilisation des logiciels Lesage et Excell. Les épreuves sont proposées par les enseignants. Et elles suivent le processus normal de sélection.
Mais au niveau de l’OBC, « deux sujets sur les deux logiciels sont retenus. Et ils sont envoyés dans les sous-centres. Le jour de l’examen, c’est au candidat de faire le choix de l’épreuve sur laquelle il veut composer. Ce choix est opéré grâce au tirage au sort. Le tirage au sort est fait sous la supervision d’un enseignant ou d’un examinateur», indiquait, il y a peu, Aboubakar, proviseur du lycée technique de Ngaoundal. Les pratiques se corrigent en régions. Les examinateurs « anonyment », corrigent et attribuent les notes aux candidats. Et ce sont ces notes qui sont envoyées à l’OBC. D’après Mr Aboubakar, « pour les épreuves pratiques, il y a comme une indépendance au niveau des établissements». Une indépendance dont bénéficie aussi le sous-secteur anglophone, où le processus de sélection des épreuves à proposer lors des examens de fin d’année, est différent de celui de la sous-section francophone.