Entre difficultés de faire signer des documents pour constituer les dossiers et les attentes interminables, les candidats s’attachent des services des « démarcheurs » pour accélérer cette procédure.
Par Rose Nang
Falone M. 27 ans, vit à Douala. Arrivée à Monatélé, chef-lieu du département de la Lekié, région du centre, à 9h00 ce 10 janvier 2022, la native de Zouatoubsi, est venue faire certifier son baccalauréat D et sa licence en biochimie. « Je souhaite également faire l’extrait du casier judiciaire », confie-t-elle, à l’un des nombreux jeunes hommes qui sont postés devant le palais de justice. On les appelle les facilitateurs ou démarcheurs.
Tous les usagers qui arrivent dans ce lieu situé au quartier administratif, qu’ils soient à pieds ou à moto, sont hélés par les démarcheurs, qui leur proposent leurs services. « Petite sœur, c’est l’extrait, l’acte, la police, les photos minutes. Viens, avec moi, tu les as en 30 minutes », entend-on. Et l’usager, au faciès ou par accointances, choisit son facilitateur. Falone, qui arrive dans cette ville pour la première fois, semble perdue. Et en quelques minutes, elle s’attache quand même des services de Jérôme.
« Pour constituer ton dossier, il faut l’extrait du casier judiciaire. Tu vas donner 4500FCfa. Pour l’acte de naissance, tu vas donner 3000 FCfa. Le bacc et la licence vont te coûter 3000 Fcfa. Tu iras chez mon frère qui porte la sacoche noire, il te fera des photos. Tu vas lui donner 1500 Fcfa. Ce qui fait 11000 Fcfa », détaille Jérôme avant de poursuivre : « j’irai déposer personnellement tes documents pour les signatures. A la sous-préfecture pour l’acte et les diplômes. Quant à l’extrait du casier judiciaire, on le signe au palais de justice. Si tu es d’accord, je commence le travail ».
Mais en plus des documents cités supra, Falone et tous les candidats qui souhaitent devenir inspecteur de police devront aussi : « rédiger une demande manuscrite et la timbrer, un certificat médical, une fiche de renseignement qu’on télécharge en ligne qui doit être remplie, tout comme le certificat de toise, timbré, signé au commissariat », détaille Ombé, un autre démarcheur, qui cherche sa nouvelle cliente. Sa quatrième cliente, s’appelle Aurélie.
Née en 2003 à Okola, d’après son acte de naissance qu’elle a oublié à Yaoundé, celle qui veut devenir I.P a aussi omis Ses diplômes et sa carte nationale d’identité. Par conséquent, elle ne pourra se faire établir l’extrait du casier judiciaire. Inquiète, la jeune dame se met à pleurer. Ombé, la rassure. Il fera ce qu’il peut pour l’aider. Moyennant bien sûr, quelques billets de banque. 1000 FCfa à 3000 Fcfa. Les prix sont tributaires du service demandé. Pour accompagner Aurélie, son parrain du jour lui demande 2000 FCfa, ceci en plus des frais de timbres qui seront apposées sur la demande manuscrite, la fiche de renseignement, le certificat de toise, le certificat médical, les photos. Le contrat signé, l’intermédiaire s’attable sous l’un des grands arbres qui jouxte le palais de justice et se met au travail.
13h vient de sonner. Falone, las, s’impatiente. Jérôme est invisible depuis une heure. La dernière fois qu’elle l’a aperçu, il courait derrière une moto qui transportait trois passagers. Des jeunes, candidats au concours qu’elle. Des clients. Une fois descendu de la moto, tous l’ont suivi. « Probablement, ils sont ensemble », susurre-t-elle. Quand soudain, en levant la tête, elle l’aperçoit.
Il fait des grandes enjambées vers sa direction. « Les diplômes ont été certifiés », tient- les. Jérôme lui tend une chemise cartonnée. Quant à l’extrait du casier judiciaire, « tu devras encore patienter. Tu pourras l’avoir au plus tôt à 14h ou 15h. Les gens qui travaillent au palais de justice vivent pour les 3/4 à Yaoundé et Douala et quand ils arrivent, ils trouvent une montagne de dossiers. Tu imagines »,
Deux heures plus tard, l’extrait du casier judiciaire de Falone est signé. Elle prend congé de son guide du jour, en le saluant avec les doigts pliés. Ce dernier jette un coup d’œil furtif dans sa paume de main et sourit. « A la prochaine », lance-t-il. Plus loin, Aurélie, range soigneusement ses documents. Tous ont été signés. Ombé a tenu sa promesse. Le reste des pièces à fournir pour constituer leurs dossiers, Falone et Aurélie, les feront à Douala et Yaoundé. Elles ont jusqu’au 17 février 2023.
Depuis que le concours a été lancé le 1er décembre 2022, les démarcheurs font de bonnes affaires. Ils reçoivent en moyenne 7 à 10 clients par jour, chacun. Et ils sont une quinzaine. 400 élèves-inspecteurs de police seront recrutés en 1ère année au centre d’instruction et d’application de la police de Mutengene, à l’issue du recrutement. Les dossiers complets sont déposés à la délégation générale à la sûreté nationale à Yaoundé ou dans les délégations régionales de la sûreté nationale, depuis le 19 décembre 2022. L’âge requis pour les candidats est de 17 ans au moins à 28 ans au 1er janvier 2022. Quant à la taille, ils doivent avoir 1m57 pour les femmes et 1m62 pour les hommes.
C’est ainsi depuis une trentaine d’années. Ces gars vivent de ça certainement, qu’ils ont des ramifications à l’intérieur. Des gens qui attendent aussi leur qotes parts.