délégué régional des Enseignements secondaires dans la région de l’Extrême-Nord, au Cameroun.
Interview réalisée par Nadine Ndjomo
Depuis l’avènement de Boko Haram qui sème la terreur et occasionne l’anarchie depuis 2013 dans la région de l’Extrême-Nord, on assiste de plus en plus au phénomène de désertion des enseignants. Quelle équation avez-vous mise en place pour résoudre ce problème ?
En réalité, il n’y a pas un avènement aussi compliqué que celui de Boko Haram. Qui chaque jour apparaît et disparaît et puis réapparaît. Ce qui fait qu’on a quand même constaté qu’il y a des absences au poste mais le chiffre est fluctuant. Près de 300 enseignants ont été absents parmi nous au premier trimestre. Mais au deuxième trimestre, ils sont revenus à 170. Il faut comprendre que c’est n’est pas seulement l’insécurité qui est la cause de la désertion des enseignants dans la région de l’Extrême-Nord. Il y a aussi les problèmes normaux tels que la maladie qui fait que certains d’entre nous ne sont pas disponibles. Puis dans les 170 ce ne sont probablement pas les mêmes. Cette semaine, il y a A et la semaine qui suit, les B sont présents. De plus, nous sommes assez nombreux, environ 8000 personnes. C’est normal que le phénomène humain pousse quelques-uns parmi nous à être indisponibles.
Des 10 régions du Cameroun, l’Extrême-Nord reste la région dans laquelle, il y a presque tous les maux : sous scolarisation, déperdition scolaire, manque criard d’infrastructures. Comment parvenez-vous à tenir malgré cela ?
Je crois que les maux sont généraux. Il y a quelques cas spécifiques que je pourrais citer. La région de l’Extrême-Nord a ceci de spécifique que l’environnement est plus pauvre et puis la pauvreté du milieu fait qu’on soit dans une grande mesure, défavorisée. Pour le reste je crois que les infrastructures, les enseignants c’est la même chose donc à mon sens, on devrait avec un peu d’effort, produire les mêmes résultats. Du coup, on tient non pas malgré nous ; mais on tient normalement.
Contrairement à d’autres régions du Cameroun, certains établissements de votre région ont peu ou presque pas d’enseignants de mathématiques, physique, chimie et les élèves se plaignent. Avez-vous remonté l’information auprès de votre hiérarchie ? Quelles réponses vous-a-t-on donné ?
Je puis pour vous dire qu’il y a effectivement manque de professeurs de mathématique. Mais ce n’est pas la même chose en physique chimie et technologie. Il faut plutôt ajouter aux mathématiques, le français, l’anglais et la philosophie voilà les disciplines où il y a un manque criard d’enseignants. Cependant, le ministre des Enseignements Secondaires n’ayant pas de magasins d’enseignants ne peut que distribuer dans les établissements ce que les écoles normales supérieures forment. C’est la raison pour laquelle, tout en reconnaissant l’insuffisance des enseignants, madame le Minesec fait tout pour que les enseignants soient à leurs postes en mettant à leur disposition l’antenne Sigipes dans toutes les régions à fin que ceux-là soient assez stables. C’est n’est pas facile parce que vous n’aurez que ce que vous avez reçu des écoles normales supérieures.
Tous les maux cités supra peuvent-ils être la cause du rang qu’occupe la région l’Extrême-Nord aux examens officiels, notamment celui de l’office du baccalauréat ?
Il est fort possible que le manque d’enseignants ou d’infrastructures impacte les résultats. Mais on ne doit pas rester là parce qu’il y a un problème et croiser ses bras. Nous devons nous battre. Le problème du manque d’enseignants se pose partout dans notre pays. Il n’est pas spécifique à notre région. Peut-être que c’est plus profond, je l’ignore, car je n’ai pas comparé une autre région à la mienne. Donc c’est sûr que nous avons des problèmes et quelques difficultés à surmonter.
L’année scolaire qui vient de s’achever a été particulière. Les cours ont commencé en octobre, avec la mi-temps. L’adaptation des élèves et des enseignants a-t-elle été facile ? Y-a-t-il eu des plaintes ?
Il faut tout d’abord noter que la mi-temps est une exception. Nous sommes passés en début d’année de 172 établissements concernés par la mi-temps à 46 actuellement. Sur les 386 établissements que nous avons ; il y a des variances où c’est n’est pas toujours une classe qui fait la mi-temps. On a essayé d’adapter et c’est cette capacité de résilience qui fait qu’on puisse dire que nous nous sommes bel et bien adaptés. Même si certains d’entre nous ont décrié le surplus de travail que la mi-temps produit, cela va de soit s’il faut que le proviseur surveille un groupe d’enseignants le matin et un autre, dans l’après-midi. C’est normal qu’on puisse avoir quelques difficultés.
Depuis plus de 10 ans, les établissements secondaires de la région dont vous avez la charge occupent le dernier rang au Cameroun. Comment préparez-vous les prochains examens officiels ? Avez-vous changé de stratégies pour remédier à la situation ?
Tout d’abord, je voudrais relever que la délégation régionale des enseignants secondaires a toujours eu à renforcer ces relations avec l’école normale supérieure de Maroua. Et cela se poursuit dans la recherche des motifs qui plombent nos performances et qui font à ce que nos résultats ne sont pas acceptables au niveau des examens de l’OBC. J’ai expliqué il y a peu qu’il y a une bonne promotion d’élèves qui quitte sûrement la classe de 4ème pour se retrouver en classe de première. Mais pour revenir directement au sujet je crois que nous travaillons aussi avec toute la communauté éducative pour le suivi efficace de nos élèves. En ce qui me concerne directement et au niveau des enseignants, nous avons ensemble fait une progression harmonisée dans toutes les disciplines au niveau régional. Cela va probablement impacter positivement les résultats des enfants cette année. J’y crois et comme c’est une œuvre qui vient de commencer d’une façon ou d’une autre il y aura un impact mesurable dans un délai plus ou moins court parce que nous marquons les mêmes pas chaque lorsqu’il s’agit d’une même discipline dans toute la région. Mais aussi à ne pas négliger, c’est les examens blancs harmonisés que nous avons instaurer depuis l’année dernière et qui continuent en s’améliorant. Je crois que là aussi les élèves, les enseignants et les administrations scolaires marquent aussi le même pas pour encadrer les élèves jusqu’aux portes des examens.
Pensez-vous qu’un lycée de l’Extrême-Nord peut aussi occuper le top 5 du classement de l’OBC ?
Je crois que compte tenu de l’intelligence avérée des élèves installés dans l’Extrême-Nord nous croyons fortement que les établissements qu’ils soient publics ou privés installés aussi dans la région de l’Extrême-Nord occupent aussi le top cinq. De me demande si c’est n’est pas déjà le cas parce que le collège Jacques de Bernon qu’on ne citera jamais assez et le collège Saint-Charles Louanga à Mogodé occupent déjà la bonne place au niveau des examens et sur l’échiquier national. Nos élèves étant très intelligents, je crois que quelques mécanismes peuvent être mis en place pour que nous occupions des rangs plus normaux dans un futur proche, cela est possible.
Combien d’enseignants et élèves compte la région de l’Extrême-Nord ? A combien estimez-vous le gap à combler ?
Le volume horaire hebdomadaire de l’ensemble de la région est 179.438 heures et actuellement 7189 sont pourvues. C’est dire que les besoins s’expriment nettement en personnel enseignants au prorata de 5 000 enseignants qu’il faut pour qu’il y ait zéro vacataire dans notre région. C’est le lieu pour moi de remercier les associations des parents d’élèves et d’enseignants (Apee) qui font des mains et des pieds pour que ce gap de 5 000 enseignants soit comblé par leur effort personnel et bien-sûr avec beaucoup d’autres élites ; groupées à travers les comités de développement ou bien de façon individuelle. Celles-ci viennent en appui à ces Apee pour payer les personnels et même équiper et construire les établissements. Je dis ma gratitude à leur endroit puisqu’ils font des efforts pour combler le vide. Voilà à peu près la situation que nous pouvons décrire dans notre région avec l’espoir qu’en dépit des cours à mi-temps, des problèmes qu’on a reconnus nous restons dans l’espoir que les résultats seront meilleurs cette année. Car, les élèves ont été invités lors de cette petite pause de Pâques à faire des groupes d’études pour ne pas décrocher avec l’école et nous allons aussi faire des efforts pour accompagner tous ceux qui sont dans les salles d’examens à se rapprocher des derniers jours des classes pour qu’ils ne soient pas également déconnectés des cours, jusqu’à l’arrivée de la phase écrite.
Le nombre de candidats au bac ou examens officiels est-il en hausse?
Le nombre de candidats au baccalauréat est en hausse cette année. On passe de 38.320 à 42.520 candidats en 2021.