principal du collège de Mazenod à Ngaoundéré.
Entretien mené par Bertrand Ayissi
Un communiqué signé de l’imam de la mosquée central de Ngaoundéré le 09 septembre dernier circule et dont il ressort qu’il y a une volonté manifeste du collège de Mazenod de convertir au christianisme les élèves musulmans. Qu’en est-il ?
Effectivement, nous sommes au courant de ce communiqué de l’iman de la mosquée centrale de Ngaoundéré, nous l’avons reçu et l’avons lu. Mais c’est avec désolation que nous avons pris acte de son contenu. Ce communiqué nous a tous surpris parce qu’au préalable, il y a eu une rencontre avec le gouverneur le lundi 06 septembre 2021 ; tout était clair. Du coup, ce communiqué qui vient un peu jeter la poudre au feu, nous a étonnés. Nous voulons rassurer la communauté musulmane que le collège de Mazenod n’a pas pour vocation d’endoctriner ou de convertir les enfants musulmans. Tout enfant musulman a sa place au collège de Mazenod, tout enfant musulman peut faire ses prières au collège de Mazenod, tout enfant musulman est libre de suivre les cours d’islam que viennent dispenser les Modibo.
Alors, qu’en est-il exactement ?
En ce qui concerne le collège de Mazenod, faut-il le rappeler, il existe depuis 1954. Ce collège a gardé son uniforme, sa tenue d’origine qui, jusqu’à ce jour, n’a pas changé. Cette tenue-là est caractérisée par son écusson qui fait le collège de Mazenod. Dans un souci de discipline et de respect du règlement intérieur, en tenant compte de la violence en milieu scolaire que nous constatons de partout, nous avons voulu non seulement renforcer la discipline au sein de l’établissement, mais également pouvoir identifier nos enfants par leurs tenues parce qu’il y a des infiltrations des jeunes qui ont des tenues qui ressemblent aux tenues scolaires. Ceux-ci s’infiltrent dans les établissements avec pour but de coopter les enfants et les introduire dans les réseaux de consommation des stupéfiants, de drogue et autres. Alors, nous avons voulu que nos élèves soient identifiés par des tenues conformes. Voilà ce qu’il en est de l’uniforme du collège qui a toujours existé depuis sa création. Et tous ceux qui sont passés par ce collège étaient fiers de pouvoir s’identifier par cet écusson. Ça n’a pas fait problème jusqu’aujourd’hui. Nous ne savons donc pas d’où part l’accusation actuelle, selon laquelle le fait que l’écusson porte un insigne de la croix serait une manière subtile d’endoctriner les enfants musulmans, comme le dit si bien la lettre. Mais cela n’est pas vrai parce que le collège de Mazenod reste un creuset du vivre ensemble pour tous les apprenants, pour leur donner une éducation intégrale et inclusive de qualité, sans aucune distinction. Et dans le cadre du respect des obédiences des uns et des autres, le fondateur du collège de Mazenod, Monseigneur Yves Plumey, avait le souci du dialogue interreligieux. Il avait demandé que dans le collège, il y ait un espace pour permettre aux enfants musulmans de pouvoir prier. Et jusqu’à présent, il y a un espace de prière dédié aux musulmans. En plus de cet espace, il y a, deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, des Modibo qui viennent entretenir les enfants musulmans sur l’islam. Donc, il n’y a aucune volonté de notre part, de vouloir endoctriner les enfants musulmans.
Mazenod, c’est aussi la notoriété qui le précède pour avoir hébergé des grandes personnalités de notre pays. Les élèves actuels peuvent-ils aussi rêver d’un destin radieux comme une bonne frange de ses anciens pensionnaires ?
A sa création en 1954, le collège de Mazenod s’est engagé à former tous les Camerounais dans la partie septentrionale. Le but de Monseigneur Yves Plumey a toujours été de donner à la population une éducation pouvant les aider à s’intégrer dans la société. Et le collège de Mazenod, qui était le tout premier établissement confessionnel privé dans le Grand-Nord, a fait ses preuves. De 1954 à nos jours, toute l’élite du Septentrion est passée par le collège de Mazenod ; ils en sont fiers. La semaine dernière encore, lors de la commémoration des 30 ans de l’assassinat de Monseigneur Yves Plumey, ils ont fait une démonstration de force. Parmi cette élite-là, nous avons des dignitaires musulmans qui reconnaissent l’éducation qu’ils ont reçue à Mazenod et ils n’ont jamais été frustrés dans leur foi. D’ailleurs, Monseigneur Yves Plumey avait une grande relation avec le lamido, tous les responsables musulmans et les imams. C’est dans ce sens que nous continuons nos relations. Mais nous sommes surpris de savoir que tout d’un coup, il y a des polémiques qui vont naître et veulent prendre des tournures d’une sorte de discrimination religieuse.
Combien d’élèves compte le collège actuellement, pour combien d’encadreurs ?
Déjà, il est très difficile de faire un historique des élèves qui sont passés par le collège de Mazenod. Nous savons qu’en 1983, le collège avait un effectif de 500 élèves. Aujourd’hui, il a un effectif de 1200 élèves. Cet effectif a d’abord explosé à 1500 et plus, mais avec la naissance de plusieurs établissements d’enseignement secondaire dans la ville, le nombre d’élève a été réduit à 1200. Ces élèves sont encadrés par 13 personnels administratifs et 90 enseignants permanents et vacataires. Par l’œuvre de ces personnels, en 2021, nous sommes fiers d’avoir eu 100% au Bepc, 80% au probatoire et 82,50% au baccalauréat. Ce sont des résultats qui parlent d’eux-mêmes du travail qui est fait dans notre collège.
En sus des francophones, musulmans et chrétiens, les anglophones trouvent-ils également leur compte au collège de Mazenod ?
Le collège de Mazenod est une famille ; tous ceux qui y entre sont des Camerounais et nous n’avons pas de distinction. Nous vivons ensemble, nous nous côtoyons et voulons garder cet esprit de solidarité. Nous étions très émerveillés lorsque lors de la célébration des 30 ans du décès de Monseigneur Yves Plumey, un dignitaire musulman a pris la parole lors de la conférence pour dire qu’il y a un aspect qu’on n’a pas tellement mis en exergue dans l’histoire de Monseigneur Yves Plumey. Il s’exprimait avec beaucoup de joie, pour dire qu’il garde encore en mémoire deux choses. La première, c’est lorsqu’il était tout-petit et voyait Monseigneur Yves Plumey aller presque tous les vendredis rendre visite au lamido. Et de retour chez le lamido, il venait chez son papa qui était musulman et ils avaient une très grande amitié. Et puis, eux qui étaient au collège en étaient fiers ; on était musulman ou chrétien, on partageait les mêmes réfectoires, les mêmes dortoirs et salles de classe, on jouait sur le même terrain avec aucune différence. C’est ce vivre ensemble que nous voulons continuer à promouvoir aujourd’hui.
Y a-t-il un projet de modernisation du collège qui a quand même pris un coup de vieux ?
Nous avons élaboré un plan pour redonner au collège un visage rayonnant. Vous pouvez d’ailleurs constater qu’en ce moment, le collège est en chantier. Donc, d’ici deux à trois ans, nous aurons fini de renouveler tout le collège qui sera sous un meilleur standing. Ainsi, nos enfants vont venir s’éduquer dans un environnement confortable.