Psychologue-Chargé de cours à l’université de Dschang.
Propos recueillis par N.N
Les résultats aux examens officiels tombent depuis une semaine déjà. Et ceux qui attendent encore les leurs ont peur. Comment doivent-ils se comporter ?
L’attente d’un résultat à un examen est une période qui se vit de différentes manières chez les élèves. Autant certains peuvent se montrer complètement détachés, autant d’autres y sont accros. C’est cette seconde vague qui vit donc très souvent le phénomène de l’angoisse d’attente se traduisant par des manifestations psychophysiologiques spécifiques telles : insomnie, irritation, stress, palpitation, tachycardie, colère, boulimie (mange tout et beaucoup) et/ou anorexie (perte d’appétit), renfermement sur soi. Certes, il n’existe pas un répertoire comportemental ou attitudinal à prescrire aux élèves. Il est cependant recommandé d’occuper l’esprit par bien d’autres choses ou activités afin de diminuer la peur. On peut s’adonner aux activités sportives, à des travaux champêtres, aux petits voyages, aux balades dans la nature, aux activités humanitaires.
Quels rôles les parents doivent jouer pour accompagner leurs enfants dans cette épreuve ?
Depuis toujours, les parents ont toujours été des accompagnateurs pour leurs enfants. Dans cette logique, il est simplement attendu de ces derniers des postures conciliantes et moins stressantes. En effet, pour un parent qui a passé l’année à prononcer des phrases du style : « tente d’échouer, tu vas voir » ou « celui ou celle qui échoue dans cette maison doit prendre sa route », ou « je ne vais pas dépenser mon argent pour des gens qui passent leur temps à échouer » etc. A l’évocation de ces phrases dans la conscience de l’enfant en attente des résultats de son examen, il est fort probable que la tension montera inexorablement d’un cran chez l’enfant qui redoute l’échec. En somme, les parents doivent éviter d’être des agents stresseurs pour leurs propres enfants à la veille de la proclamation des résultats.
Il y a des élèves qui ne supportent pas l’échec. Au point où ils se donnent la mort. Qu’est ce qui peut pousser un enfant à prendre une décision aussi radicale ?
Les réactions aux situations vécues dans la vie sont diversifiées d’une personne à une autre. Le suicide pour un enfant qui a échoué à un examen est un signe révélateur d’un profond malaise vécu, d’une pression externe mal digérée, d’un regard extérieur difficilement accepté. Je le disais plus haut qu’il y a des parents qui avancent des menaces voilées à leurs enfants en attente des résultats. Si jamais c’est l’échec qui se présente et que l’enfant redoute la mise en place de la phase de répression du parent, il est clair qu’il va anticiper ou devancer son parent en mettant un terme à sa vie. Dans la plus part des cas, les parents qui ont échoué dans leur propre vie ont tendance à projeter sur leurs enfants une pression énorme pour que ceux-ci réussissent. Lesdits parents attendent de voir dans la réussite de leurs enfants, la joie qu’ils n’ont pas pu connaitre eux-mêmes dans le passé. Les enfants soumis à ces logiques de pressions familiales se retrouvent dans la parentification qui est un processus interne à la vie familiale et qui amène un enfant ou un adolescent à prendre des responsabilités plus importantes que ne le voudraient son âge et sa maturation qui le conduisent à devenir un parent pour ses parents. En clair, les parents doivent les enfants vivre leur vie scolaire et sociale à partir de leurs propres prédispositions physiologique, sociologique et psychologique.
Quels conseils pouvez-vous donner aux élèves qui ont déjà essuyé plusieurs échecs ?
Le sujet de dissertation au probatoire A4 de l’année scolaire 1995-1996 tiré de l’œuvre Germinal d’Emile Zola postulait que : « L’échec d’Etienne Lantier dans Germinal n’en constitue pas un. Il augure plutôt à des victoires futures ». Ce rappel historique témoigne à suffisance que l’échec fait partie intégrante de la vie humaine. D’ailleurs, échec en anglais donne FAIL (First Attempt In Learning) c’est-à-dire, Première étape dans l’apprentissage. L’histoire du monde est enrichie par les anecdotes des personnes qui ont essuyé plusieurs fois l’échec mais qui ont fini par réussir. Par ailleurs, l’échec est la face opposée de la pièce qui porte succès ou réussite. Le plus important dans la vie pour un être humain c’est d’avoir des objectifs à atteindre et d’y croire, peu importe le temps qu’on y met pour y parvenir. Si à la fin on finit par y parvenir, alors même les moments d’échec ne seront que lointains souvenir. L’artiste DJ Kerozen ne dit-il pas dans sa chanson que « le second nom de Dieu c’est le temps » ? Moi je recommanderai à tous les élèves qui viendraient à échouer à leur examen d’écouter religieusement les paroles de cette chanson car elles sont pleines de philosophie pour la vie.
Après plusieurs échecs dans la même classe, certains parents décident de ne plus payer les frais de scolarité à leurs enfants. Ce désengagement ne participe-t-il pas à enfoncer l’enfant dans la perdition ou le décrochage scolaire ?
Sans vouloir me positionner en donneur de leçons ou en moralisateur, le désengagement parental à l’égard des enfants se manifeste de plusieurs manières et les conséquences dépendent de plusieurs facteurs. Il est clair que dans votre propre question, vous avez un début de réponse et des exemples sociaux sont là pour l’attester. Cependant, il existe aussi d’autres cas où c’est le contraire qui s’est produit. Donc, les mêmes causes ne produisent pas toujours les mêmes effets.
Quand on échoue à l’école, cela augure-t-il d’un avenir sombre ? Peu reluisant ?
Non, Non et Non. Plusieurs cas dans l’histoire du monde l’attestent à suffisance. L’école diplômante n’a pas toujours été le seul moyen offert à l’homme pour réussir. Le monde anglo-saxon nous prouve le contraire. La finalité de la vie n’est pas le diplôme mais plutôt l’argent. A côté de l’école diplômante, il existe bel et bien d’autres filons de réussite dans la vie. Il appartient donc aux uns et autres de savoir faire la part des choses lorsque les situations de la vie se montrent désagréables ou défavorables à leur égard. Le philosophe Nietzsche ne disait-il pas que « Ce qui ne vous tue pas vous rend fort » ?