L’enseignant d’Eps, qui est devenu le visage de la grève lancée par le mouvement OTS au Cameroun, mort le 8 mars 2022, a été inhumé au cimetière de Gashiga.
Par Innocent-Blaise Youda
Dimanche 13 mars 2022, 13h09. Gashiga, arrondissement de Demsa, département de la Bénoué, région du Nord Cameroun. L’atmosphère est lourde au domicile d’Hamidou, cet enseignant d’éducation physique et sportive au lycée de Beka, mort le 8 mars 2022. Des petits groupes sont formés. Certains échangent en murmurant. « Nous avons été informés du jour de l’inhumation par les rumeurs et messages sur les réseaux sociaux. C’est du retour de l’église que j’ai vu des gens passés. Et ce sont eux, qui nous ont informés qu’ils viennent de creuser la tombe, où sera inhumé Hamidou », raconte un proche de la famille, aux connaissances.
Ces derniers ont vu arriver l’ambulance de l’hôpital régional de Garoua, transportant la dépouille de « l’enseignant martyr ». Pour ce dernier hommage, « le visage de la patience », est arrivé sous escorte. Une dizaine de gendarmes de la brigade de Gashiga et de la compagnie de gendarmerie de Garoua.
Ils prennent la direction de la mosquée du lamidat « pour la prière mortuaire et procéder à l’inhumation ». Et ce, sans l’avis de la famille. Courroucés, les membres de la famille d’Hamidou se figent. Ils exigent de voir le corps sans vie de leur fils. Demande acceptée après le début d’une rixe entre la famille et les gendarmes. L’incident évité de justesse, l’ambulance fait un détour au domicile familial, avant de rejoindre la mosquée du lamidat. Il s’arrête. La mère d’Hamidou fait un adieu à son fils. La scène dure moins de cinq minutes. Sous les regards effarés et larmoyants de l’épouse et de la fille du défunt, Hamidou prend la route de mosquée du lamidat de Demsa.
Il est 13h 24. Le rituel de prière commence. Une cinquantaine de personnes est présente. On remarque la présence du sous-préfet de Demsa, le délégué régional des Enseignements secondaire du Nord, le proviseur du lycée de Beka. Dans un coin de la rue, une dizaine d’enseignants venus de Garoua et ceux, de Gaschiga, sont aussi présents. Discrets, ils pleurent en silence. Sans couler des larmes. A distance, on semble apercevoir leur colère, qu’ils ravalent comme des hommes.
Certains ont la même histoire ou presque que celle d’Hamidou. « Je suis à 9 ans de service sans avancement, avec un salaire incomplet. J’ai à ma charge toute ma famille, un conjoint également dans la même situation et qui traine une maladie grave. Vous comprenez que le gouvernement a simplement décidé de nous asphyxier. Je ne suis pas venue manifester. Je suis venue respecter la mémoire d’un collègue martyr », fulmine Aissatou T, Professeur des lycées de l’enseignement général (Pleg) à Garoua ; pendant que la prière s’achève.
Le dispositif pour enterrer Hamidou est mis en place. Sous la conduite des autorités administratives, Hamidou entame son dernier voyage. Il prend le chemin du cimetière musulman de Gaschiga pour être mis en terre. Il n’y a pas de manifestations particulières. Hamidou est inhumé selon la tradition musulmane.
14h 04, retour au domicile familial. Les rites traditionnels du deuil musulman commencent. Et la famille conclut : «depuis son décès, il s’est passé beaucoup de choses. Dès que notre frère est décédé, il y a eu comme un sentiment de révolte. Sa dépouille a été retenue sans notre avis. Ce sont les autorités qui ont ramené le corps de Béka pour Garoua où, on l’a conservé à la morgue. Elles se sont occupées des obsèques. Maintenant que c’est terminé, nous souhaitons que son âme repose en paix. »